Sexe et politique

Faut-il coucher avec ses opposants politiques?

Alors, je vous rassure tout de suite, cet article n’a pas (seulement) pour but de déterminer si cela est une bonne idée de pratiquer le coït avec vos adversaires politiques. Le terme « coucher » est, certes, plus accrocheur, mais d’une manière générale j’aurais pu vous poser la question : faut-il tomber amoureux de vos adversaires politiques ? Ou plus simplement : faut-il sortir avec les gens qui ne pensent pas comme vous ? A une époque où Tinder est devenu l’appli de rencontre la plus utilisée, et où chacun croit bon d’indiquer dans sa bio ses orientations politiques, on est en droit de se demander s’il s’agit là d’un critère de sélection pertinent afin d’assurer votre descendance. Suivez-moi, et apprêtez-vous à découvrir un début de réponse à une question aussi vieille que l’humanité : faut-il pactiser avec l’ennemi ?

Maxime Feyssac

Les temps changent

Il faut dire que nos parents, et surtout nos grands parents ne se posaient pas forcément cette question. Déjà car la reproduction sociale s’en chargeait pour eux. La reproduction sociale, cela veut tout simplement dire qu’à une époque votre statut, celui de vos parents, vos biens, vous amenait inexorablement à aller flirter avec des gens de la même classe sociale que vous. En effet, c’était bien plus simple pour le fils du cordonnier d’aller courtiser la fille de la boulangère, que la fille du Préfet ou du Maire. Ça n’a pas disparu, loin de là, mais on a quand même bien avancé. De facto, vous finissiez donc par draguer des gens qui avaient de fortes chances de penser comme vous.

Il faut aussi prendre en compte le fait que l’espace public qu’est la rue était plus “cloisonné” à une époque, de telle sorte que des individus issus de classes sociales différentes avaient moins de chances de se côtoyer quotidiennement. Aujourd’hui, même si certains quartiers sont plus riches que d’autres, plus ou moins tout le monde se retrouve dans les centres-villes. Vous pouvez y croiser un sans-abris, une mère bourgeoise qui fait ses courses, un jeune militant marxiste qui distribue des tracts, un immigré qui livre des repas à vélo, etc. Pourtant, à une époque, ce même espace public était beaucoup plus cloisonné. Alors oui, les ultra-riches restent toujours entre eux, et les gens les plus démunis n’ont pas toujours la chance de côtoyer les centres-villes, mais reste que l’émergence d’une grande classe moyenne a énormément fait évoluer notre rapport à l’autre ainsi que la configuration de notre espace public.  Et internet peut-être vu comme un prolongement de cet espace public.

  Pourtant, de nos jours, le positionnement politique reste un facteur important dans le choix de notre partenaire, et ce malgré le fait que ayons plus de “choix” que nos aînés dans la sélection de notre partenaire. Que ce soit parce que nous préférons être avec quelqu’un qui partage nos valeurs, ou car les structures sociales dans lesquelles nous évoluons nous poussent à côtoyer des gens qui nous ressemblent, nous tendons en effet à préférer draguer des gens qui pensent comme nous politiquement, y compris sur les sites de rencontres. Et ce car les jeunes ne se politisent pas de la même manière aujourd’hui qu’il y a 70 ans. De manière générale, cette nouvelle politisation passe par une implication dans des formes non-conventionnelles d’expression politique, ainsi que dans une défiance du système politique actuel; ce qui explique pourquoi l’abstention bat aujourd’hui des records

Nous tendons en effet à préférer draguer des gens qui pensent comme nous politiquement.

Pour rappel, la politisation est le processus de socialisation qui conduit un individu à s’intéresser à la politique, à penser et agir selon des critères politiques. Concrètement, qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que certaines personnes vont trouver plus utile de revendiquer une appartenance et des opinions politiques ouvertement, plutôt que d’aller voter. Ce constat est encore plus frappant sur internet, où les gens adorent étaler dans leurs bio twitter ou instagram leurs orientations politiques. Pensez aussi à vos amies qui partagent des stories de comptes féministes sur instagram, ou à votre pote écolo qui ne fait que de partager des posts de Green Peace France, ou même à votre cousin de droite qui adore les compilations youtube d’Eric Zemmour et du Raptor Dissident. Au bout du compte, le positionnement politique semble se voir de plus en plus, partout, y compris dans nos interactions sociales avec les autres ; et oui, cela veut aussi dire dans nos interactions sexuelles et amoureuses.

« Dis-moi pour qui tu votes, je te dirai avec qui tu couches. »

On pourrait continuer à disserter longtemps sur la théorie, mais en pratique ça veut dire quoi ? Et bien, jeune lecteur lambda, ça veut dire que tu risques peut-être de te prendre un gros râteau à ta prochaine soirée étudiante si tu cites un peu trop Marine Le Pen ou Sandrine Rousseau.

Pour les afficionados de Tinder (dont je ne fais évidemment pas partie), vous avez sûrement déjà lu des bio (si vous prenez la peine de lire les bio) qui indiquent : « Mec de droite s’asbtenir » ou bien « Si t’es feministe c’est déjà mort ». Si vous êtes concernés par ce type de « disclaimer », deux solutions s’offrent à vous : passer votre chemin car vous n’avez pas envie de débattre politique lors de votre premier date ; ou bien tenter le coup quand même à vos risques et périls car vous n’avez peur de rien.

Il faut aussi garder en tête que la plupart du temps, les préférences politiques d’une personne ne sont pas évidentes. Déjà, parce que Tinder ce n’est pas la vraie vie, mais aussi car la politique n’est pas forcément le premier sujet de conversation que l’on aborde lorsqu’on se tourne autour.

Mais supposons. Supposons que vous avez rencontré quelqu’un qui vous plaît vraiment. Vous avez rencontré une personne que vous trouvez belle, intéressante, attentionnée et avec qui vous aimeriez concrétiser. Mais là, malheur, vous vous rendez compte que politiquement vous n’êtes pas d’accord. Mais alors, pas d’accord du tout. Que faire ?

Briser les tabous

On va commencer par balayer les mythes : non, il n’y a pas un bord politique qui offrirait de meilleures relations (sexuelles) que les autres. En 1974, Valery Giscard d’Estaing avait dit à François Mitterand « Vous n’avez pas le monopole du cœur » ; et bien là c’est pareil, il n’y a pas de camp politique qui a le monopole du cœur, ou du sexe. Tous les journaux et articles qui clament haut et fort que vous devriez sortir avec quelqu’un de droite car ça vous rendrait soi-disant plus heureux, ou avec quelqu’un de gauche car vous on vous traiterait mieux, sont des conneries absolues, et je pèse mes mots.

Que ce soit bien clair pour TOUT le monde, une bonne fois pour toutes : aucun camp politique ne peut se prévaloir de mieux traiter ses partenaires. Il y a des cons de gauche, et des cons de droite ; et malheureusement, il y a des mauvais coups de droite, et des mauvais coups de gauche. Si vous pensez que sortir avec quelqu’un qui pense comme vous allait subitement rendre votre vie sexuelle et amoureuse formidable, vous allez droit dans le mur. 

Coup d’un soir ou vraie relation, telle est la question

Cependant, il va bien falloir répondre à la question : est-ce une bonne idée de coucher avec des gens du camp « d’en face ». Cela dépend en fait de ce que vous recherchez : si vous êtes du type coup d’un soir, et bien, ça ne devrait pas changer grand-chose. Si vous n’allez passer que 15 heures maximum avec la personne (ça dépend de l’heure à laquelle vous repartez le lendemain), alors après tout c’est entre vous et votre conscience. Si vous pensez que coucher avec quelqu’un est un acte militant, et qu’il ne faut surtout pas « pactiser avec l’ennemi » alors c’est votre corps, votre choix. Vous louperez sûrement de belles aventures et quelques expériences, mais tant pis (ou tant mieux, ça dépend votre point de vue sur le sexe) pour vous.

Vous n’avez pas envie de vous retrouver à une soirée où toutes les personnes présentes auraient envie de vous jeter par la fenêtre s’ils connaissaient vos véritables opinions politiques.

La question est plus tendue quand il s’agit de construire une vraie relation. Cela dépend en premier lieu de l’importance que vous accordez à la politique dans votre vie. Si c’est un passe temps, ou simplement quelque chose qui guide votre comportement personnel et vos opinions, alors il ne devrait pas y avoir de soucis. En revanche, s’il s’agit pour vous d’une croyance profonde, telle une religion, qui dicte le moindre de vos faits et gestes et toutes vos interactions, alors ça va être compliqué. Surtout qu’il y a de fortes chances pour que les amis et la famille de cette personne pensent la même chose qu’elle ; en effet, certains militants ont tendance à également trier leurs amitiés en fonction de leurs opinions politiques. Croyez-moi, vous n’avez pas envie de vous retrouver à une soirée où toutes les personnes présentes auraient envie de vous jeter par la fenêtre s’ils connaissaient vos véritables opinions politiques.

C’est d’ailleurs pour cela que les croyants tendent à se reproduire avec des gens de la même religion qu’eux ; c’est plus facile. Sauf si vous vous dites que vous pouvez « convertir » cette personne, c’est-à-dire lui faire adopter la même opinion politique que vous. Ce n’est pas impossible, mais c’est rarement une bonne idée ; un couple n’est pas censé être un débat d’idées perpétuel, où vous allez passer votre temps à vouloir convaincre la personne en face. La plupart du temps, vous réussirez simplement à vous fatiguer vous et votre partenaire. Surtout que, aussi profondes soient vos convictions, vous ne savez pas que vous avez raison (vous en êtes persuadé, et c’est tout naturel, mais vous ne pouvez pas le savoir). Si on pouvait déterminer qui a raison en politique et qui a tort, cela ferait longtemps que la plupart de nos problèmes seraient résolus. La politique fait partie des sciences humaines, qu’on appelle aussi parfois sciences inexactes, car deux points de vue différents peuvent tous les deux être valides à leur façon ; il n’y a pas de solution unique. Partez toujours du principe que la personne en face de vous sait quelque chose que vous ne savez pas. Mais croyez-moi, vous avez beaucoup à apprendre des gens qui ne pensent pas comme vous, ne serait-ce que pour renforcer votre esprit critique. Vous avez vraiment envie de passer votre vie à côtoyer des gens qui penseront comme vous ? Qui vous diront  “oui” à tout ?

Enfin, se pose la question du projet sur le long terme, mais en général cette question ne se pose pas avant plusieurs mois de relations, moment auquel vous aurez sûrement déjà une bonne idée des opinions politiques de votre partenaire. Si votre projet est de fonder une famille, alors oui, vous devrez trouver quelqu’un qui a la même conception du bien commun et du mal, au risque de rendre votre enfant schizophrène. Mais avoir des bases morales communes n’empêche pas d’avoir des désaccords politiques. Même s’il sera compliqué pour un « antifa » mélenchoniste de filer le parfait idylle avec un « facho » lepéniste, vous auriez tort de balayer d’un revers de main quelqu’un sous prétexte qu’il ne vote pas comme vous. J’en veux pour preuve : la personne la plus intéressante que j’ai rencontrée de toute ma vie n’avait absolument pas les mêmes opinions que moi.

A bon entendeur.

P.S : et que vous soyez de gauche ou de droite, protégez-vous svp.

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