Election présidentielle 2022 : J-6 mois

Etat des lieux des forces en vigueur

Moment crucial dans la vie politique de la Vème République, l’élection présidentielle est toujours celle qui déchaîne les passions. C’est le moment des calculs politiques pour savoir quand se lancer, qui représentera le parti, sur quels thèmes axer la campagne et comment se donner une bonne image aux yeux des Français. Six mois avant le soir décisif, quand tout le monde aura les yeux rivés sur le 20H pour savoir qui sera celui ou celle qui tiendra les rênes du pays pendant 5 ans, la campagne est déjà pleinement lancée…

Domitille Viel

Emilien Pouchin

En cette fin de mois d’octobre, de très nombreuses candidatures ont été annoncées et certaines autres sont encore attendues. Ici, nous allons vous faire un bref état des lieux de la structuration de l’espace politique en vue de l’élection présidentielle de 2022. Pardonnez-nous, il ne sera pas possible d’aborder exhaustivement toutes les personnes qui se sont déclarées candidates car elles sont bien trop nombreuses et certaines d’entre elles, si elles arrivent à passer le seuil des 500 parrainages de grands électeurs, ne feront sans doute pas un score si élevé qu’il pourrait avoir un impact décisif sur le vote. Ainsi, les cas du syndicaliste Anasse Kazib, du député Joachim Son-Forget, de la représentante du parti animaliste Hélène Thouy, des Gilets Jaunes Eric Drouet ou Jacline Mouraud ou de tant d’autres ne seront pas traités. Skopeo suivra de près cette campagne et vous fera savoir si, poussés pas une dynamique inattendue, ils en venaient à figurer parmi les forces politiques non négligeables. Une fois ceci évacué, qu’en est-il de la composition de l’espace politique, à seulement quelques mois de l’élection-mère de la Vème ?

Une gauche en lambeaux

En 2017, la gauche n’avait pas été présente au second tour et le PS avait réalisé un score ridiculement faible, culminant à 6% des suffrages. Elle avait alors un quinquennat pour se remettre de cette débâcle historique, surmonter ses divisions et se reconstruire afin de faire bonne figure en 2022. Quel est le bilan ? Elle semble encore davantage divisée qu’auparavant.

Pour le moment, Nathalie Arthaud (LO) et Philippe Poutou (NPA) ont été reconduits pour représenter leur parti. Le PCF, qui faisait alliance avec Mélenchon et n’avait plus présenté de candidat depuis 2007, a quant à lui désigné Fabien Roussel en tant que candidat. Celui-ci présente une ligne plutôt novatrice puisqu’il aborde un certain nombre de sujets qu’il juge délaissés ou mal défendus par la gauche : la sécurité, la laïcité, le souverainisme, le nucléaire, etc. Il refuse d’ores et déjà une alliance avec Mélenchon, estimant que les communistes ont par le passé été floués. Ces trois candidats devraient se présenter séparément et sont pour le moment crédités entre 0,5 et 1%.

Quel est le bilan ? Elle semble encore davantage divisée qu’auparavant.

Jean-Luc Mélenchon ne voit pas d’un bon œil ce changement de stratégie de son ancien allié communiste. Fort de son investiture populaire, il se déclare être le candidat de la question écologique et sociale. En réalité, son programme est, dans les grandes lignes, assez similaire à celui de 2017 : VIè République, planification écologique, partage des richesses, sortie de l’OTAN, etc. Il avait à ce moment-là réalisé un score historique de 19,5%. Si les sondages le situent aujourd’hui aux alentours de 10%, il pourrait à nouveau créer une dynamique de campagne favorable et siphonner quelques voix à ses concurrents. Il est peu probable qu’il réunisse autant qu’en 2017, mais il est vraisemblable qu’il soit le premier candidat de la gauche en termes de suffrages.

Le PS a décidé de présenter sa candidate sans en passer par une primaire. Si Anne Hidalgo arrive à maintenir le PS autour des 6-8%, elle aura au moins sauvé les meubles mais ce but paraît pourtant difficile à atteindre. Cette ancienne force majeure de la gauche semble aujourd’hui vouée à faire de la figuration. Le premier défi à relever pour Hidalgo est de sortir de son image de parisienne-bobo. C’est pourquoi elle a décidé d’axer sa campagne sur la décentralisation, les élus locaux et une politique au plus proche des citoyens. Aujourd’hui, son score est estimé autour de 4-5%. Elle se retrouve d’ailleurs confrontée à un ancien du PS, en la personne d’Arnaud Montebourg. Celui-ci a déjà écarté toute possibilité de rapprochement avec Anne Hidalgo. Candidat pour la troisième fois, il entend présenter un programme transpartisan et place sa campagne sous le signe de la « Remontada », dans tous les domaines (industriel, scolaire, territorial, écologique, salarial, etc.). Ce projet ne semble pas, pour le moment, avoir largement séduit, puisque les sondages le situent à environ 3%.

c’est bien cette guerre des égos qui risque, comme en 2002, d’annihiler toute chance de la gauche d’accéder ne serait-ce qu’au second tour de l’élection présidentielle.  

Pour terminer, le candidat du parti écologiste a été désigné le 28 septembre dernier. Au terme d’une primaire, c’est le candidat Yannick Jadot qui s’est imposé de peu (51%) face à Sandrine Rousseau. Cette dernière, se revendiquant de l’écologie radicale et de l’écoféminisme, aura réussi à créer la surprise mais n’aura pas su s’imposer face au candidat prônant l’écologie de gouvernement. Oscillant entre 8 et 9% dans les sondages, Jadot espère confirmer la dynamique favorable aux Verts depuis les élections européennes de 2019. Il est très clair qu’une gauche si divisée n’arrivera pas à gagner. Pourtant, en ce début de campagne, les candidats, ayant été légitimés d’une manière ou d’une autre (primaire, investiture du parti, investiture populaire), refusent toute possibilité d’alliance. Chacun espère créer une dynamique dans les sondages pour forcer les autres candidats à le soutenir. Mais au final, c’est bien cette guerre des égos qui risque, comme en 2002, d’annihiler toute chance de la gauche d’accéder ne serait-ce qu’au second tour de l’élection présidentielle.  

50 nuances de droite

Malgré sa campagne de 2017 basée sur le « en même temps » et le dépassement du clivage gauche-droite, Emmanuel Macron a manifestement perdu, du fait de sa politique, une très large partie de son électorat de gauche. Peut-être essayera-t-il à nouveau de jouer la carte « ni de gauche, ni de droite » pour 2022, mais nous choisissons, pour cet article, de le classer à droite. Pour le moment, l’actuel Président ne s’est pas officiellement déclaré candidat. Il est toutefois très probable qu’il le soit puisque, mis à part son prédécesseur, tous les Présidents de la Vè se sont présentés pour leur propre succession. Par ailleurs, malgré un quinquennat rythmé par les grèves, les manifestations, les polémiques et marqué par la crise sanitaire, il garde un socle de soutiens assez conséquent (entre 23 et 25% d’intentions de vote). Même si ses soutiens dans le monde politique ne sont plus très nombreux, son ancien Premier Ministre Edouard Philippe, qui vient de créer son parti « Horizons », a affirmé soutenir le Président pour sa réélection. En tous cas, Emmanuel Macron profite déjà de son pouvoir pour lancer indirectement sa campagne. Il devient, comme ses prédécesseurs, un « Président-candidat » qui multiplie les annonces et les déplacements (agriculteurs, policiers, harkis, étudiants, etc.) pour affirmer et séduire son électorat. Pour lui, tout l’enjeu est d’accéder au second tour puisque sa position “centriste” devrait le faire gagner contre Zemmour ou Le Pen, qui sont, pour le moment, ses deux principaux opposants. 

A droite, le problème est le même depuis le printemps : beaucoup d’intéressés, aucun candidat naturel. Après des mois de flottement, de rumeurs, de paris hésitants et de vagues lignes exprimées, l’été est d’une grande productivité : les candidatures tombent. 

A droite, le problème est le même depuis le printemps : beaucoup d’intéressés, aucun candidat naturel.

Alors que Xavier Bertrand avait fait une queue de poisson au parti en annonçant sa candidature à la présidentielle en mars, les autres candidats se sont montrés plus prudents. Fin juillet, une réunion des candidats potentiels de la droite a acté la volonté d’une candidature unique. Elle a réuni Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez, forts de leur récente réélection à la tête de leurs régions respectives, mais aussi Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, Michel Barnier, négociateur du Brexit, et Philippe Juvin, dont l’expérience de terrain à l’hôpital a fait la notoriété pendant la crise du Covid.

Valérie Pécresse, alors même qu’elle ne fait plus partie des Républicains, devance les autres compétiteurs en se portant candidate à une potentielle primaire LR fin juillet. Philippe Juvin la suit de quelques jours. Michel Barnier, qui a fait plus tard son arrivée dans les sondages, s’engage en août. Suivent ensuite Eric Ciotti à la droite de la droite, puis une surprise finale : l’entrepreneur Denis Payre, à la fin de l’été. 

Au même moment, les cartes sont rebattues : deux figures dont beaucoup faisaient leurs favoris se retirent le même jour : Bruneau Retailleau et Laurent Wauquiez. Les deux personnalités annoncent qu’elles ne seront pas candidates pour éviter une fragmentation excessive au sein de leur famille politique. 

A la rentrée, nous avons donc 5 candidats républicains, mais nous ne savons pas à quoi. Un congrès ? Une primaire ? Un autre mode de désignation? Pendant ce temps-là, Xavier Bertrand fait cavalier seul en s’affichant partout en France sur les réseaux sociaux, se montrant déterminé et proche des Français… sans convaincre grand monde.

Le 25 septembre, enfin une décision claire : les adhérents LR ont tranché lors d’un vote. Ce seront eux qui désigneront leur candidat lors d’un congrès fermé du 1er au 4 décembre 2021. Pour voter, il faudra donc détenir une précieuse carte d’adhérent. Une décision peu surprenante après les rancoeurs internes dues à la victoire de François Fillon lors de la primaire ouverte en 2017.

Alors que les candidats et adhérents républicains s’organisent pour éviter les divisions, Xavier Bertrand est forcé d’observer que le peu d’enthousiasme qu’il suscite ne lui permettra pas de gagner sans le parti qu’il a quitté depuis plusieurs années. Il ravale sa fierté et ses ambitions de candidat naturel et rejoint finalement sa famille politique en annonçant, 6 semaines après les autres, sa candidature au congrès.

Une famille politique, trois partis, et 50 nuances de droite : voilà ce que les compétiteurs ont à offrir aux Républicains qui défendent le parti qu’on croyait mort.

Une proposition qui, selon les sondages successifs, ne semble pas convaincre les Français, qui sont rarement plus de 10% à exprimer une intention de vote pour un candidat au congrès : seul Xavier Bertrand a côtoyé les 13-14%. Cependant, avec une image de traître à la patrie chez nombre d’adhérents LR, rien ne lui garantit d’être élu lors du congrès.

Pourtant, les Français n’ont jamais autant été à droite. Les candidats LR représentent donc les idées majoritaires en France, et rencontrent les citoyens sur de nombreuses questions. Le mal des Républicains est donc un problème d’incarnation et de fragmentation davantage qu’un problème d’idées. Pour preuve, les adhésions au parti se multiplient cette année et les Jeunes Républicains ont fait du bruit dans les médias lors de leur rentrée au Parc Floral. Le parti n’a donc plus qu’à entraîner une Remontada digne des espoirs de Montebourg pour convaincre les Français de prendre leur carte et de voter pour leur candidat favori.

Eric Zemmour est donc le (potentiel) candidat qui marque un renouveau, sort du cadre des partis, et n’a jamais exercé de mandat politique

S’il y a une figure de droite qui cavale sans parti ni congrès, c’est bien Eric Zemmour. Véritable cavalier seul, il se place même en seconde position derrière Emmanuel Macron selon les derniers sondages (17-18%). Le célèbre polémiste peine à cacher ses ambitions de candidat lors de ses nombreuses apparitions partout en France, pour présenter son dernier livre. Alors que les séances de dédicace prennent des allures de meetings politiques, l’auteur déclare encore dans les médias “prendre le temps de la réflexion” avant de décider de sa candidature ou non. Il a tout de même lâché le 26 septembre dernier “Si je n’y allais pas, je décevrais beaucoup de gens​”, ce qui laisse peu de place au doute sur ses intentions. Il est effectivement difficile de croire qu’il n’est pour rien dans les mobilisations organisées, le mouvement des jeunes Zemmouristes “génération Z”, et les passages média incessants malgré les mesures du CSA. Eric Zemmour est donc le (potentiel) candidat qui marque un renouveau, sort du cadre des partis, et n’a jamais exercé de mandat politique. L’idéal pour séduire dans un climat de grave crise de la démocratie. Ses militants sont déjà sur les starting-blocks et recherchent des signatures pour leur candidat espéré, certains élus ayant déjà promis de lui donner la leur. Il pourrait donc atteindre les 500 sans trop de difficulté avant la date limite du 30 janvier.

Il reste une candidate que tous ont pour objectif de battre : “faire barrage au RN” semble devenir l’obsession des candidats traditionnels. Présidente du Rassemblement National, Marine Le Pen se présente pour la troisième fois après le succès historique du FN en 2017 : l’accession au second tour. Le parti étant pourtant l’incarnation de l’extrême droite depuis les années 80, elle se fait doubler par la droite par Eric Zemmour à vive allure, qui a gagné 5 points dans les sondages en quelques mois, alors que Marine Le Pen stagne entre 15 et 17%. Il faut dire que son entreprise de dédiabolisation du RN depuis sa présidence du parti en 2008 ne joue plus en sa faveur : les polémistes d’extrême droite ont cassé la langue de bois dans les médias. Il est aujourd’hui possible de prononcer les mots maudits du “grand remplacement” et des “quartiers islamisés”, ce qui n’a pas toujours été le cas lors des dernières campagnes de Marine Le Pen. Elle qui adoptait une stratégie visant à faire moins peur pour crever le plafond de verre du RN, se retrouve presque trop conciliante dans le jeu politique actuel. Traitée de “molle” par Gérald Darmanin et dépossédée de ses sujets favoris par Zemmour, elle pourrait se retrouver délaissée par une partie de son électorat qui trouvait en elle une candidate hors-système. Une situation qui pourrait devenir un point de rupture pour le Rassemblement National. Alors que certains militants souhaitent voir quelqu’un d’autre à sa tête, Marine Le Pen saura-t-elle les reconquérir pendant la campagne ? 

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Le système représentatif français – partie 2

état des lieux des différentes compétences et organisations politico-administratives

Pour donner suite à la première partie de cette série d’articles portant sur le système représentatif français, qui proposait un état des lieux des différents modes de scrutin, il convient désormais de comprendre et de détailler les compétences de ces différents élus et organes politiques de manière synthétique. Nous tentons donc ici un nouveau choc de simplification dans le mille feuille politique français.

Pierre Vitali

Lucas Da Silva

Emilien Pouchin

La présidence de la République et le gouvernement

Compétences propres : garant de la Constitution, chef du pouvoir exécutif, chef des Armées, nomination du Premier Ministre, dirige le Conseil des Ministres, etc.

Compétences partagées : pouvoir réglementaire, composition du gouvernement, ratification des traités, nomination de hauts fonctionnaires, organisation de référendums, révision constitutionnelle, etc.

Le Président de la République dispose, conformément à la Constitution de 1958, de larges pouvoirs. Sur le plan symbolique, il est la clef de voûte des institutions, incarne l’autorité de l’Etat, veille à sa continuité et est garant de l’indépendance nationale.

Élu pour un mandat de 5 ans, il pourra impulser la politique pour laquelle il a été élu si les électeurs lui accordent une majorité à l’Assemblée nationale, lors des élections législatives. Dans le cas contraire, il se retrouve dans une situation de cohabitation et doit composer avec un gouvernement et une majorité n’ayant pas les mêmes priorités. Le Président de la République conserve cependant en temps de cohabitation ses pouvoirs propres et garde un rôle prépondérant dans son « domaine réservé », qui regroupe les affaires militaires et la diplomatie.

La répartition des pouvoirs entre le Président de la République et le Premier Ministre oscille selon les présidences. Selon la Constitution, le rôle du Premier Ministre est de conduire la politique voulue par le Président, de coordonner l’action gouvernementale et d’en être responsable. Ainsi, une fois élu, le Président se détache de ses électeurs et devient le chef de l’Etat et de tous les Français. Il incarne l’Etat sur le plan intérieur et extérieur et délègue la mise en œuvre de la politique pour laquelle il a été élu à son Premier Ministre et son gouvernement.

Le corps législatif national

Compétences : pouvoir législatif, contrôle de l’action gouvernementale, vote du budget

Le Parlement français est composé d’une chambre haute, le Sénat, et d’une chambre basse, l’Assemblée nationale. Contrairement aux IIIè et IVè Républiques, la Constitution de la Vè République a entériné une prédominance du pouvoir exécutif sur le législatif grâce à des processus de « rationalisation du parlementarisme ».

Le principal rôle du Parlement est de voter les lois. En premier lieu, le texte de loi est analysé et amendé dans la commission compétente, avant d’être adopté par celle-ci. Puis, le texte est examiné et voté par l’Assemblée dans laquelle il a été déposé, avant d’être discuté dans la seconde. S’ensuit alors une phase de va-et-vient entre le Sénat et l’Assemblée nationale, qui s’appelle la navette parlementaire, jusqu’à ce que les deux chambres tombent d’accord sur le même texte. En cas de désaccord, une commission mixte paritaire, composée de 7 parlementaires des deux chambres, est créée. Si cette commission échoue à trouver un texte consensuel, ce sont les députés de l’Assemblée nationale, jouissant de l’élection au suffrage universel direct, qui ont le dernier mot.

Le Parlement a également un rôle de contrôle de l’action gouvernementale. Ceci peut se faire par le biais des questions au gouvernement, de commissions d’enquêtes, du contrôle des dépenses publiques, etc. Les députés ont par ailleurs la possibilité de mettre en jeu la responsabilité du gouvernement, qui peut être forcé à la démission si une majorité d’entre eux vote la motion de censure.

Les parlementaires sont également compétents sur les questions budgétaires puisqu’ils doivent procéder annuellement au vote du budget, à travers la loi de finances initiale et les lois de finances rectificatives. Leur compétence ne se limite pas uniquement au vote puisqu’ils ont la possibilité de modifier la répartition des crédits selon les programmes budgétaires.

Enfin, le Parlement doit être consulté pour de nombreuses autres occasions, telles que la prolongation des opérations militaires, de l’état d’urgence ou de l’état de siège, l’approbation des traités internationaux, l’autorisation au gouvernement d’adopter des ordonnances, etc.

Le corps législatif européen

Compétences : législative, budgétaire et contrôle du pouvoir exécutif européen

Premier détail important au sujet du Parlement européen : c’est la seule institution de l’Union européenne (UE) élue au suffrage universel par les citoyens. Comme tout parlement, il a donc une première fonction de représentation du peuple souverain. Les sièges des eurodéputés sont répartis proportionnellement entre les Etats membres, et pour la France ils sont au nombre de 79 parlementaires. 

Concernant sa compétence législative, le Parlement européen s’inscrit dans la procédure de codécision : il se prononce sur les textes législatifs de l’UE en première lecture, avant de les soumettre au Conseil de l’Union européenne en deuxième lecture. Si les deux institutions s’accordent sur l’acte juridique, il est adopté. De nombreux textes législatifs européens sont conclus grâce à cette procédure et ce, dans des domaines essentiels qui vont de l’économie, de la sécurité et la justice, en passant par l’environnement ou l’agriculture… A savoir, les députés européens disposent aussi d’un droit d’initiative législative : ils peuvent demander à la Commission européenne de soumettre des propositions de textes.

S’agissant de sa compétence budgétaire, le Parlement européen se retrouve une nouvelle fois en étroite collaboration avec le Conseil de l’UE puisqu’ils établissent conjointement le budget annuel de l’Union et établissent les priorités budgétaires. Par ailleurs, concernant le budget pluriannuel (fixé tous les sept ans), celui-ci est adopté à l’unanimité du Conseil de l’UE après l’approbation du Parlement européen.

Enfin, sur son rôle de contrôle du pouvoir exécutif, il est chargé notamment :

  • de l’investiture de la Commission européenne : son ou sa président(e) est élu(e) par le Parlement européen à la majorité absolue (sur proposition du Conseil européen). Ensuite, les eurodéputés votent l’approbation ou non de chaque commissaire européen qui passe une audition afin d’être investi. 
  • du contrôle de l’action de la Commission européenne : il peut notamment adopter des motions de censure à son encontre et la contraindre à démissionner collégialement (ou à destituer un seul commissaire).

La région

Compétences : développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique, transports, lycées, formation professionnelle, aménagement du territoire.

Une fois que le conseil régional est élu, on lui donne la responsabilité de promouvoir le développement à tous les niveaux de son territoire, il doit également soutenir l’accès au logement et l’amélioration des habitats dans sa région, aider les villes à mettre en œuvre des politiques locales et à favoriser la rénovation urbaine…

S’agissant des transports, la région est chargée d’organiser la mobilité interurbaine mais aussi de la gestion des ports et des aéroports, des transports routiers interurbains et scolaires, des Trains Express Régionaux (TER), de la voirie…

Le conseil régional partage avec le conseil départemental la compétence du soutien aux politiques d’éducation. Il dispose en ce sens de la prérogative exclusive concernant la construction, l’entretien et le fonctionnement des lycées en France.

A propos de l’emploi, le conseil régional décide de l’octroi d’aides aux entreprises de la région, d’aides à l’innovation et à l’investissement, mais surtout il définit (en collaboration avec le préfet) des stratégies pour l’orientation des jeunes et les formations professionnelles pour les demandeurs d’emploi.

Enfin, la région est compétente pour l’aménagement du territoire et la protection de l’environnement en étant en charge : 

  • du développement durable et de l’égalité des territoires, 
  • de la gestion des déchets et de son recyclage,  
  • de la gestion de l’eau et de la qualité de l’air…

Le département

Compétences : action sociale, collèges, aménagement et transports.

Comme pour la région, le département est depuis 1982 une collectivité décentralisée aux compétences précises, même si on constate une perte d’influence de cette collectivité, notamment depuis la loi NOTRe de 2015. La clause de compétence générale souligne la vocation de promotion des solidarités et de la cohésion territoriale, via l’action sociale, pour l’enfance (Aide Sociale à l’Enfance, Protection Maternelle et Infantile), pour les personnes handicapées (maisons départementales des personnes handicapées), pour les personnes âgées (gestion de maisons de retraite) et pour les prestations légales d’aide sociale (Revenu de Solidarité active). Le département est également chargé d’un volet éducation, via la construction, l’entretien et l’équipement des collèges. Il est aussi en charge d’un volet aménagement et transport, avec l’équipement rural, le remembrement rural, l’aménagement foncier, la gestion de l’eau et de la voirie rurale, la gestion de la voirie départementale et le Service Départemental d’Incendie et de Secours. Enfin, le département a également des compétences culturelles, sportives et touristiques partagées avec les communes, les régions et les collectivités à statut particulier. 

La communes et l’intercommunalité

Compétences : urbanisme, logement, environnement, écoles.

La commune bénéficie de la clause de compétence générale, lui permettant de régler par délibération toutes les affaires relevant de son niveau. La commune est un organe exécutif de la “commune-collectivité décentralisée”, mais le maire est aussi le représentant de l’État dans la “commune-circonscription déconcentrée”. Cette double casquette fait de cet échelon un organe administratif et politique unique. La commune s’occupe ainsi de l’urbanisme et de la maîtrise des sols (plan local d’urbanisme, délivrance des permis de construire), de logement, de l’aide sociale (centres communaux d’action sociale), de la gestion des écoles élémentaires et maternelles, de la culture, du patrimoine, du tourisme et du sport. Cependant, les différentes lois, dont la loi NOTRe, ont renforcé les compétences optionnelles et obligatoires transférées de la commune à l’intercommunalité, développant ainsi le périmètre et les compétences des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Il peut s’agir d’une forme de coopération intercommunale relativement souple dite « associative », pour profiter d’économies d’échelle, comme le ramassage des ordures ménagères ou les transports urbains par exemple. Il peut aussi s’agir d’une forme de coopération plus intégrée dite « fédérative », d’une intercommunalité de projet, disposant alors d’un régime de fiscalité propre. 

Le système représentatif français – partie 1

état des lieux des différents modes de scrutin

Avec plus de 600 000 élus, plus de 7 modes de scrutin et autant de règles et fonctionnements différents, la démocratie française peut sembler complexe et il convient ici d’en dresser un portrait pour mieux comprendre notre République. 

Pierre Vitali

« Le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple » ne semble pouvoir s’organiser correctement dans un pays de 67 millions d’habitants que dans le cadre d’un système représentatif. C’est-à-dire une démocratie dans laquelle les citoyens expriment leur volonté par l’intermédiaire de représentants élus à qui ils délèguent leurs pouvoirs. Pour que cette délégation de pouvoir soit pleinement démocratique, il faut que ces postes soient ouverts à tous, via des élections régulières, dans un débat démocratique, où les oppositions sont entendues et légitimes. C’est dans ce cadre représentatif que les Français sont appelés à élire leurs 600 000 élus dans différentes élections. À l’approche des élections territoriales, face à l’abstention record, à la défiance et à la méconnaissance de cet univers politique, il convient ici d’essayer un choc de simplification pour présenter ces élus et leurs modes de scrutin. 

L’élection présidentielle

Mode de scrutin : uninominal majoritaire à 2 tours

Calendrier : tous les 5 ans, prochaine élection : mai 2022

Le Président de la République est élu, pour un mandat de 5 ans renouvelable, au suffrage universel direct depuis 1962. Il s’agit d’un scrutin uninominal majoritaire à deux tours. C’est-à-dire que pour être élu, il faut réunir au premier tour la majorité absolue des suffrages exprimés (50% + 1) ou au second tour recueillir la majorité relative des suffrages exprimés (candidat en tête). Dans cette élection, seuls les 2 candidats arrivés en tête au premier tour se retrouvent au second. Pour être candidat, il faut 500 parrainages titulaires de mandats électifs figurant d’au moins 30 départements ou territoires d’outre-mer et sans que plus de 10% d’entre eux puissent être issus du même département. 

Les élections législatives

Mode de scrutin : uninominal majoritaire à 2 tours

Calendrier : tous les 5 ans, prochaine élection : juin 2022

Les 577 députés sont élus, pour un mandat de 5 ans renouvelable, dans le cadre de la circonscription, au suffrage universel direct. Il s’agit d’un scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Il faut alors la majorité absolue des suffrages exprimés et un nombre égal au quart du nombre des électeurs inscrits au premier tour, ou la majorité relative au second, avec au moins 12,5% du nombre d’électeurs inscrits pour s’y qualifier. La circonscription est une division de territoire dans lesquelles sont élus les députés, mais ces derniers sont des représentants de la Nation. 

Les élections sénatoriales

Mode de scrutin : uninominal majoritaire à 2 tours

Calendrier : tous les 3 ans, prochaine élection : 2023

Les 348 sénateurs sont élus, pour un mandat de 6 ans renouvelable, dans le cadre du département, par collège électoral comprenant les sénateurs, les députés, les conseillers régionaux, les conseillers départementaux et les délégués des conseils municipaux. Le Sénat est renouvelé par moitié tous les 3 ans et le collège électoral a l’obligation de voter. Dans les départements qui élisent 1 ou 2 sénateur(s), l’élection se déroule au scrutin majoritaire à deux tours. Dans les départements qui élisent 3 sénateurs ou plus, le scrutin proportionnel par liste à un tour s’applique, avec des listes paritaires. 

Les élections européennes

Mode de scrutin : proportionnel plurinominal à 1 tour

Calendrier : tous les 5 ans, prochaine élection : 2024

Les 79 députés européens français sont élus, pour un mandat de 5 ans renouvelable, au suffrage universel direct depuis 1979. L’élection a lieu à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne. Les sièges sont répartis entre les listes ayant obtenu au moins 5% des suffrages exprimés. Les sièges sont attribués aux candidats d’après l’ordre de présentation sur chaque liste, composé de manière paritaire. La circonscription est désormais unique, au niveau national, alors qu’elles étaient avant 2019 régionales. 

Les élections régionales

Mode de scrutin : proportionnel avec prime majoritaire à 2 tours

Calendrier : tous les 6 ans, prochaine élection : juin 2021

Les 1 922 conseillers régionaux sont élus, pour un mandat de 6 ans renouvelable, au scrutin de liste à deux tours. Combinant les règles du scrutin majoritaire et proportionnel, la prime majoritaire attribue à la liste ayant obtenu la majorité absolue des suffrages au premier tour, ou qui est arrivée en tête au second, le quart des sièges à pourvoir (non pas à la moitié comme pour le scrutin municipal), les sièges restants étant répartis proportionnellement. Les listes sont paritaires, seules celles ayant obtenu au moins 5% des suffrages exprimés peuvent fusionner et 10% des suffrages exprimés pour se maintenir au second tour. Le conseil régional élit ensuite son président et ses vice-présidents.

Les élections départementales

Mode de scrutin : binominal majoritaire à 2 tours 

Calendrier : tous les 6 ans, prochaine élection : juin 2021

Les 4 031 conseillers départementaux sont élus, pour un mandat de 6 ans renouvelable, dans le cadre du canton, au scrutin binominal majoritaire à deux tours. Les binômes paritaires doivent recueillir la majorité absolue des suffrages exprimés et le quart des inscrits pour être élus au premier tour et la majorité relative au second, avec un seuil à 12,5 % des électeurs inscrits pour être candidat au second tour. Le conseil départemental élit ensuite son président à majorité absolue pour les deux premiers tours et à la majorité relative pour un éventuel troisième tour.  

Les élections municipales et communautaires  

Mode de scrutin : en fonction de la taille de la commune 

Calendrier : tous les 6 ans, prochaine élection : 2027

La commune, base de la démocratie, s’organise dans des conseils municipaux, qui sont élus au suffrage universel direct, pour un mandat de 6 ans renouvelable, dans 35 497 communes de France.

Le mode de scrutin utilisé pour cette consultation n’est pas uniforme sur l’ensemble du territoire, il en existe 3 qui varient selon la population des communes :  de moins de 1 000 habitants, de plus de 1 000 habitants ou les villes de Paris, Lyon, et Marseille. 

Pour les villes de moins de 1 000 habitants, les conseillers municipaux sont élus au scrutin majoritaire. Dans ce cas les suffrages sont comptabilisés individuellement, il n’y a pas d’obligation de parité femmes-hommes. Concrètement, pour le premier tour, les candidats ayant obtenu une majorité absolue des suffrages exprimés et le quart des électeurs inscrits obtiennent un siège au conseil municipal. Pour le second tour, les sièges restants sont répartis à la majorité relative, les candidats obtenant le plus grand nombre de voix sont élus.

Pour les communes de 1 000 habitants et plus, c’est un scrutin de liste à deux tours. Les listes doivent être paritaires avec alternance femme/homme ou inversement. Si la majorité absolue est obtenue au premier tour par une liste, il lui est attribué un nombre de sièges égal à la moitié des sièges à pourvoir et les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Dans le cas contraire, il y a un second tour, où peuvent se présenter les listes ayant obtenu 10% des suffrages exprimés, elles peuvent être modifiées avec des candidats ayant figuré au premier tour sur une liste ayant au moins 5% des suffrages exprimés. La répartition est ensuite identique, la liste qui obtient le plus de voix obtient un nombre de sièges égal à la moitié des sièges à pourvoir et les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la proportionnelle, pour celles ayant obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés. 

Pour les villes de Paris, Marseille et Lyon, les élections se font par secteur, mais les règles sont les mêmes que pour les communes de plus de 1 000 habitants. A Paris comme à Lyon, chaque arrondissement forme un secteur, 20 pour Paris et 9 pour Lyon et à Marseille, il existe 8 secteurs de 2 arrondissements chacun. Les sièges de membres du conseil de Paris ou du conseil municipal de Marseille ou de Lyon sont donc attribués au regard des résultats obtenus par secteur.

L’élection du maire et des adjoints est ensuite faite par le conseil municipal, qui se réunit au plus tôt le vendredi et au plus tard le dimanche qui suit l’élection du conseil au complet. Pour être élu maire, il faut obtenir la majorité absolue des suffrages exprimés au deux premiers tours au sein des conseillers municipaux. Si après deux tours, aucun candidat n’a obtenu la majorité, on procède à un troisième tour et l’élection a lieu à la majorité relative. Puis, après l’élection du maire, le conseil municipal fixe par délibération le nombre des adjoints (au maximum 30% de l’effectif légal du conseil municipal) puis procède à leur élection.

Les 38 000 conseillers communautaires en charge de l’intercommunalité, sont élus en même temps que les conseillers municipaux dans les communes de plus de 1 000 habitants et sont désignés dans les communes de moins de 1 000 habitants. 

Elections Régionales : J-100

A 100 jours des élections, état des lieux des enjeux et perspectives

Les 13 et 20 juin prochains, nous serons appelés aux urnes pour les élections territoriales, qui réuniront pour la première fois deux élections pour le prix d’une : les départementales et les régionales. Pas la peine de nous mentir, on sait que la plupart d’entre vous n’en ont pas grand- chose à faire ; les élections régionales, comme les élections européennes, sont souvent boudées par les Français en termes de participation. Pourtant, vous auriez tort de survoler le sujet : les élections régionales de cette année vont être annonciatrices des stratégies mises en place pour les élections présidentielles de 2022. De toute manière, à Skopeo, on vous a mâché le travail : vous trouverez dans cet article une synthèse des enjeux et de toutes les informations importantes à retenir en vue des élections à venir. Et pour rendre le tout digeste, on ne parlera que des régionales en France métropolitaine. Nous n’aborderons donc pas la question des conseils départementaux, et des membres des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique qui ont la particularité d’être des collectivités uniques.

Maxime Feyssac

Pierre Vitali

à Skopeo on est sympathiques, on vous propose une annexe téléchargeable gratuitement et regroupant une liste exhaustive des candidats dans chaque région :

Les modalités pratiques et le calendrier de l’élection

D’ordinaire, les élections régionales ont lieu tous les six ans, en mars ; mais crise sanitaire oblige, les élections de 2021 ont été reportées au 13 et 20 juin prochains (ces dates peuvent encore évoluer) par un vote du Parlement. Par ailleurs, il est prévu qu’au plus tard le 1er avril, le gouvernement remette au Parlement un rapport, sur la base « d’une analyse de comité de scientifiques, sur l’état de l’épidémie de Covid-19, sur les risques sanitaires à prendre en compte et sur les adaptations nécessaires ».

Vous l’aurez peut-être compris, il s’agit d’un mode de scrutin qui encourage à nouer des alliances.

Les élections régionales se déroulent selon un scrutin de liste proportionnel à deux tours, avec prime majoritaire. Malgré ce titre alambiqué, le principe est en réalité assez simple : la liste obtenant la majorité absolue au premier tour, ou le plus de voix au second tour, obtient une prime de 25 % du nombre des sièges. Les autres sièges sont répartis à la proportionnelle entre toutes les listes (y compris celle gagnante). Cela assure au vainqueur une majorité claire dans l’assemblée régionale. Seules les listes ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés peuvent participer au second tour. Par ailleurs, les listes obtenant plus de 5 % des suffrages exprimés au premier tour peuvent fusionner avec les listes accédant au second tour. Vous l’aurez peut-être compris, il s’agit d’un mode de scrutin qui encourage à nouer des alliances.

Mais comme nous le disions plus haut, les élections régionales connaissent une faible participation, et l’épidémie pourrait faire augmenter l’abstention, comme pour le second tour des municipales (taux d’abstention de 60 %). Peut-être que vous n’étiez même pas au courant que vous alliez devoir voter en juin prochain. Alors, exceptionnellement, les électeurs disposent de deux procurations, contre une seule habituellement. La mission d’information du Sénat a toutefois écarté tout recours à un vote par correspondance ou par internet. La loi prévoit aussi un allongement de la durée de la campagne officielle (19 jours au lieu de 12), ainsi qu’un numéro d’appel gratuit pour permettre aux électeurs de se renseigner sur les programmes.

Quels sont les enjeux pour la gauche et la droite ?

Au premier tour des régionales de 2015, le FN (Front National) et LR (Les Républicains) arrivèrent en tête avec plus de 27% chacun, devant le PS alors au pouvoir. Le PS s’était retiré dans l’entre-deux-tours dans les Hauts-de-France, face à Marine Le Pen, et en PACA, face à Marion Maréchal, afin de leur faire barrage. Au second tour, la gauche a tout de même conservé cinq des nouvelles régions : Occitanie, Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire, Bretagne et Nouvelle-Aquitaine. La droite détient donc aujourd’hui sept régions : Ile-de-France, PACA, Grand Est, Pays de Loire, Auvergne-Rhône-Alpes, Hauts-de-France et Normandie, et elle espère bien décrocher la Bourgogne-Franche-Comté et le Centre-Val de Loire. Le principal enjeu de 2021 est donc pour les exécutifs régionaux de défendre leurs bilans pour espérer se maintenir dans un paysage politique qui a été bouleversé depuis 2015. En effet, cette élection fera office de test grandeur nature pour de nombreuses formations politiques en vue de 2022. Droite et gauche vont-elles se maintenir au niveau local et conforter leurs forces ? RN (Rassemblement National) et EELV (Europe Ecologie Les Verts) vont-ils réussir à s’imposer pour pouvoir appliquer leur programme à un niveau plus important ? LREM (La République En Marche) va-t-elle enfin pouvoir s’implanter dans les collectivités locales ?

Pour la droite, ces régionales feront pour le moment office de primaire de fortune en vue des présidentielles.

Pour la droite, ces régionales feront pour le moment office de primaire de fortune en vue des présidentielles. Entre les candidats Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse et Xavier Bertrand, la compétition pour s’imposer comme le plus fort dans sa région, et son parti, est lancée. Même si les échecs d’alliances LR/LREM aux municipales ont refroidi toutes alliances de premier tour aux régionales, ces dernières restent envisageables au second tour afin d’empêcher des basculements vers le RN ou la gauche. Ainsi, et même si Christian Jacob, président des Républicains, exclut toute alliance avec LREM, dans la région PACA c’est bien la peur d’une victoire de l’ex-LR et désormais RN Thierry Mariani qui inquiète le président de la région Renaud Muselier. Ce dernier a récemment jugé « intéressante » la proposition du maire de Nice Christian Estrosi d’une alliance avec Macron à la présidentielle de 2022. Sortant avec le plus de régions, LR a donc le plus à perdre dans ces élections, mais aussi le plus à gagner, si la droite arrive à se maintenir ou même à amplifier ses résultats.

Pour la gauche, ces régionales seront le test de l’unité et de possibles alliances. Les socialistes et écologistes attendent de ce scrutin qu’il confirme leurs bons résultats aux municipales (et aux européennes pour EELV). EELV, le PS (Parti Socialiste) et LFI (La France Insoumise) ont passé des accords avec d’autres formations de gauche et/ou écologistes (PCF [Parti Communiste Français], PRG [Parti Radical de Gauche], Génération.s, Génération Ecologie, Cap 21, etc.), mais sans jamais se croiser. La gauche veut réitérer la stratégie d’union qui s’était avérée gagnante aux municipales. Pour le second tour, il est probable que les listes de gauche se réunissent autour de la liste arrivée en tête, si l’une d’elles atteint plus de 10%. Mais pourront-elles réunir toutes les forces de gauche, de LFI au PS, en passant par EELV ? Cela sera d’autant plus difficile si EELV s’impose comme meilleure force politique et souhaite continuer en solitaire. Mais si ces dernières arrivent à conserver leurs coalitions, et leur permettent de bons scores, il s’agira ensuite de se réunir en vue de 2022.

Pour la gauche, ces régionales seront le test de l’unité et de possibles alliances.

Pour LREM, ces régionales s’annoncent compliquées et à oublier rapidement. Même si depuis les dernières régionales, LREM a fait irruption dans certains conseils régionaux, en subtilisant des adhérents du PS, et en s’alliant au Modem, qui fait pourtant actuellement partie des majorités de droite à l’échelle régionale. La majorité peine à trouver des têtes de listes fortes, mais aussi des appuis ; l’alliance avec LR ou le PS semble a priori impossible. L’équation pour Emmanuel Macron est alors compliquée, entre envoyer des ténors du gouvernement qui risquent des échecs cuisants et négocier quelques postes au second tour sans réellement s’imposer.

Pour le RN comme pour LFI, ni Marine Le Pen, ni Jean-Luc Mélenchon ne se présenteront en têtes de liste, voulant ainsi se préserver pour 2022. Ils souhaitent cependant réaliser de bons scores et faire émerger des personnalités comme Jordan Bardella (RN) et Clémentine Autain (LFI) en Île-de-France. Le RN envisage même de prendre des régions avec Sébastien Chenu (RN) dans les Hauts-de-France ou Thierry Mariani (RN) dans le Sud-PACA.  

Que prévoient les sondages en termes de résultats?

Le mois dernier, le journal « Les Echos » et Radio Classique ont lancé auprès d’OpinionWay l’indicateur RégioTrack, un baromètre mensuel pour suivre l’évolution des intentions de vote pour les régionales. Pour le moment, le rapport de force national est le suivant : LR et alliés (23%), RN et alliés (20%), LREM et alliés (17%), PS et alliés (13%), EELV et alliés (12%), LFI et alliés (7%). Même s’ils arrivent en tête des intentions de vote, ni LREM, ni le RN, ne sont assurés de décrocher une région. Ainsi, tous les présidents sortants (5 socialistes et 7 républicains/centristes) sont donnés favoris, surtout avec la crise sanitaire qui a tendance à geler les positions. De plus, le mode de scrutin favorise les alliances et handicape les cavaliers seuls. A l’heure actuelle, les seules régions qui semblent pouvoir basculer sont les régions Sud Provences-Alpes-Côte-d’Azur, Centre-Val-de-Loire et Pays-de-la-Loire. D’autres régions seront très scrutées car les enjeux sont importants, il s’agit des Hauts-de-France et de l’Ile-de-France. 

Les régions qui peuvent basculer :

Dans la région Sud-PACA, le président sortant Renaud Muselier (LR, UDI, Modem) doit faire face à l’ex-LR désormais eurodéputé RN Thierry Mariani, donné favori. En 2015 déjà, il avait fallu l’union de toutes les forces politiques pour empêcher Marion Marechal de prendre la région. L’attitude de la gauche au second tour déterminera le scrutin. 

Dans la région Centre-Val-de-Loire, le président sortant, François Bonneau (PS), semblait plutôt en bonne posture pour sa réélection, mais les récents sondages et la déclaration de Nicolas Forissier (LR), député et ancien secrétaire d’État chargé de l’Agriculture, est désormais pressenti pour lui succéder. 

Dans les Pays-de-la-Loire, l’alliance de second tour de toutes les gauches semblait pouvoir faire basculer la région, mais la présidente sortante Christelle Morançais (LR), succédant à  Bruno Retailleau semble pouvoir se maintenir. Lucie Etonno (EELV, G.s, UDB, GE) est alors bien placée (surtout si elle arrive à rallier toute la gauche autour d’elle), mais la candidature de Matthieu Orphelin pour prendre la tête de liste des écologistes pourrait changer la donne. Les autres candidats sont : Guillaume Garot (PS, PRG, PCF), François de Rugy (LREM) et Hervé Juvin (RN). 

Les régions à surveiller :  

Dans les Hauts de France, le favori reste Xavier Bertrand, ex-LR, soutenu par LR, l’UDI et le Modem, qui considère ce scrutin comme “sa primaire” pour 2022. Mais il devra faire face à Sébastien Chenu, porte-parole du RN et considéré comme le challenger de par les scores du RN dans la région. Tout dépendra, ici encore, de l’attitude au second tour des 4 listes LFI, PCF, PS et EELV. 

 En Île-de-France, la plus grande et riche région de France, la sortante Valérie Pécresse est donnée gagnante à 33% par le dernier sondage IFOP de mars 2021 commandé par la région, loin devant la liste LREM à 13%. Mais si les listes d’Audrey Pulvar (PS) et de Julien Bayou (EELV) s’allient, elles arriveraient cependant à 24%. Une autre liste a émergé à gauche avec la candidature de Clémentine Autain 10% (LFI); reste à savoir si elle se rapprochera également de la liste PS. Jordan Bardella (RN) vient également d’annoncer sa candidature ; les estimations le font plafonner à 15% pour le moment.

“Même si Valérie Pécresse est pour le moment largement en tête des intentions de vote au premier tour,  cette avance confortable pourrait forcer la gauche à se compromettre avec l’extrême gauche”,

“Même si Valérie Pécresse est pour le moment largement en tête des intentions de vote au premier tour,  cette avance confortable pourrait forcer la gauche à se compromettre avec l’extrême gauche”, estime Joévin Beillacou. Pour ce militant de la première heure du mouvement “Libres!” de Valérie Pécresse, tant que les listes PS, EELV et LFI ne se regroupent pas, la gauche ne pourrait pas présenter un danger réel pour la présidente de la région. “Il est probable qu’Audrey Pulvar s’allie avec Julien Bayou ; mais la question du rapprochement avec La France Insoumise est plus délicate, car elle impliquerait un dialogue entre le PS et LFI sur certains thèmes comme la laïcité. ». Si pour l’instant les questions idéologiques compliquent une union totale des gauches, la recherche d’un intérêt commun a de grandes chances de pousser ces 3 listes à s’unir. Une telle union au second tour pourrait présenter un vrai danger, surtout si les élus Modem suivaient les consignes de leur parti à l’échelle nationale et décidaient de se détacher de LR au profit de LREM. Dans ce scénario, la droite aussi pourrait bien être poussée à s’unir ; mais dans quelle direction ? Il reste que pour le moment, la crise sanitaire, et le fait que la tête de liste LREM soit relativement inconnue du grand public, donnent un clair avantage à la présidente actuelle de la région.

2020 en 4 faits politiques

Retour sur les principaux faits politiques de 2020

Cette année 2020 a été manifestement marquée du sceau de la crise sanitaire du coronavirus. Dans cet article, nous effectuerons un bref retour sur les faits politiques français les plus marquants de l’année passée en occultant volontairement toutes les questions relatives au Covid-19 ou à la gestion de la crise par le gouvernement, sur lesquelles chacun d’entre nous aura eu tout le loisir de se forger sa propre opinion. Déboulonnage de statues, élections municipales, assassinat de Samuel Paty et violences policières sont les actualités politiques françaises les plus marquantes de l’année, sur lesquelles nous allons revenir.

Déboulonnage de statues : quel rapport à notre Histoire ?

Après la mort de Georges Floyd, de nombreuses manifestations contre les violences policières et le racisme ont éclaté aux Etats-Unis.

Protestant contre les inégalités raciales, les manifestants ont dégradé, vandalisé et déboulonné des statues représentant des personnages liés à la colonisation ou à l’esclavagisme.

C’est ainsi que nous avons pu voir des manifestants abattre des statues d’Edward Colston (marchand et négrier anglais), Christophe Colomb ou Jefferson Davis (président des Etats confédérés durant la guerre de sécession). Le mouvement anti-raciste Black Lives Matter et l’idée de s’en prendre aux statues s’est rapidement propagé outre-Atlantique, particulièrement en France et au Royaume-Uni.

En France, des statues représentant Jules Ferry, Léon Gambetta ou Napoléon Bonaparte furent ciblées, mais les débats se sont principalement concentrés autour de la personne de Colbert, accusé d’être un esclavagiste et d’avoir préparé la rédaction du Code noir. Il faut croire que ces mouvements antiracistes n’épargnent personne puisque les statues à l’effigie de Churchill et de de Gaulle n’y ont pas échappé ; le premier étant qualifié de « raciste », tandis que le second était traité d’« esclavagiste ».

Ces manifestations sont, dans notre pays, une importation de l’idéologie américaine de la white supremacy. Celle-ci prétend que la colonisation a laissé des traces, dont les résidus octroient aux Blancs des privilèges sociaux et des avantages structurels dans la société. Or, il est clair que le rapport à la colonisation et à la couleur de peau n’est pas le même en France qu’aux Etats-Unis.

Par ailleurs, le fait de déboulonner des statues nous pose à tous une question fondamentale sur notre rapport à l’Histoire : devons-nous juger nos ancêtres avec nos yeux d’aujourd’hui ? Si la réponse à cette interrogation est positive, alors Napoléon, Gambetta et Ferry pourraient être objectivement taxés de colonialistes. Il faudrait alors dresser une liste objective de nos ancêtres « colonialistes », « racistes », voire « sexistes » ou « homophobes » et les présenter publiquement comme des contre-exemples et des personnages détestables. Or, le cas Colbert est à cet égard intéressant. Peut-on résumer la vie de celui qui fut (notamment) ministre des Finances, Principal Ministre de Louis XIV et qui participa grandement au développement de l’industrie et du commerce de la France à sa seule participation à la colonisation ? A l’inverse, si la réponse à cette question est négative, alors on comprend que l’Histoire est le récit dans lequel notre société contemporaine prend ses racines. Même dans ses périodes les plus sombres, l’Histoire est un guide et en occulter des parties reviendrait à nous bander les yeux, ne plus comprendre notre société et ne pas saisir son évolution.

Elections municipales : un fiasco pour LREM

Ce scrutin de l’été 2020 fut marqué par un taux d’abstention inhabituellement élevé pour des élections municipales (plus de 50% sur chaque tour), provoqué par l’épidémie du coronavirus.

Au-delà de cette crise, il s’inscrit dans un contexte de mécontentement social dû à la réforme des retraites et au mouvement des Gilets Jaunes. Depuis les élections municipales précédentes, le paysage politique a largement évolué avec l’arrivée du parti LREM et la débâcle des partis traditionnels.

L’enjeu de cette élection était donc réel puisqu’il s’agissait pour LREM de s’ancrer à l’échelon local afin d’assurer sa pérennité et pour le RN de poursuivre sa bonne dynamique de 2014, importante pour un parti qui peine à avoir un ancrage local puissant. Pour le Parti Socialiste et Les Républicains, il s’agissait d’une élection qui leur était favorable puisqu’ils pouvaient se baser sur leurs bastions locaux historiques pour espérer se donner un nouvel élan. Enfin, pour EELV, ce scrutin ne pouvait être que gagnant puisque leur implantation locale était faible.

A la suite des élections, nous avons beaucoup entendu parler de « raz-de-marée écologiste ». Or, même s’il est vrai qu’EELV fait indubitablement partie des gagnants de cette élection, le terme « raz-de-marée » semble excessif. En réalité, la victoire dans les grandes métropoles (Lyon, Marseille, Bordeaux, Strasbourg…) semble être dans la continuité du bon score obtenu aux dernières européennes, mais cache un résultat très faible dans les petites et moyennes communes. D’ailleurs, depuis que les maires écologistes sont au pouvoir, les différentes polémiques qu’ils ont suscitées (arbre mort, tour de France, patrouille de France…) ont sans doute davantage desservi le parti et la cause écologiste que l’inverse. Le parti présidentiel, en revanche, n’a pas grand-chose pour cacher sa déroute et sa déception. Mis à part Le Havre (où Edouard Philippe n’est même pas encarté LREM), le parti de la majorité a été balayé dans toutes les grosses et moyennes villes. Même à Lyon, Paris, Besançon ou Tours, où les chances de l’emporter étaient réelles, aucun candidat LREM n’a été élu. Les seules victoires sont en réalité des alliances avec des candidats « Macron-compatibles » qui ne sont pour la plupart pas des adhérents LREM, comme à Angers ou à La Roche-sur-Yon.

Pour le Rassemblement National, le bilan est assez mitigé. Le parti conserve ses fiefs de Fréjus, Hénin-Beaumont ou Béziers mais recule dans certaines grosses villes et peine à en conquérir de nouvelles. La seule réelle victoire est l’élection de Louis Alliot à Perpignan, prise aux Républicains et première ville de plus de 100000 habitants depuis 1995. D’ailleurs, Les Républicains ont également un bilan en demi-teinte. Il est clair qu’ils conservent sur l’ensemble du territoire leur large majorité acquise en 2014, surtout dans les petites et moyennes communes. Malgré quelques belles prises dans des villes moyennes (Lorient, Auxerre, Arles, Metz…), il n’en demeure pas moins qu’ils perdent des fiefs importants, tels que Bordeaux, Marseille et Perpignan et échouent à prendre Paris et Lyon, où ils avaient de réelles opportunités.

Assassinat de Samuel Paty : l’école républicaine au défi du séparatisme

Lors d’un cours d’éducation civique sur la liberté d’expression, un enseignant a montré des caricatures de Mahomet à ses élèves, après avoir laissé la liberté à ceux qui pourraient en être choqué de quitter sa salle de classe.

 Cet acte lui a valu la colère de nombreux parents d’élèves, qui l’insultaient sur les réseaux sociaux de « voyou », « islamophobe » et « raciste », allant jusqu’à dévoiler son adresse et son lieu de travail. Cet enseignant s’appelle Samuel Paty et a été sauvagement décapité par Abdoullakh Anzorov, un jeune tchétchène de 18 ans. Est-il possible pour l’École de la République de jouer son rôle d’éducation si elle n’est pas capable de s’affirmer face aux communautés qui tentent de la déstabiliser ?

            L’islamisme est manifestement une menace contre notre école républicaine (cf notre article sur le sujet ) puisqu’il tente de propager sa vision et oblige par le moyen de la violence les enseignants à s’y conformer. En réalité, cette situation n’est absolument pas nouvelle puisque le Rapport Obin date de 2004. Celui-ci pointait déjà la menace du séparatisme religieux et de l’influence grandissante de l’islamisme dans les écoles. Malgré le fait qu’il soit étayé de nombreux témoignages et de propos factuels, ce rapport a été passé sous silence. Aux enseignants qui pointaient également cette menace, il leur était rétorqué de ne pas trop faire de vagues. L’assassinat de Samuel Paty est donc le symptôme d’un mal profond qui ronge notre système éducatif depuis de longues années.

             Cet événement nous questionne aussi quant au droit au blasphème. La liberté d’expression doit-elle s’étendre à la critique et à la satire des religions ? Même si ce débat aurait dû rester français, le monde musulman a largement réagi aux propos d’Emmanuel Macron, lorsque celui-ci défendait le droit de caricaturer le prophète Mahomet. C’est ainsi qu’Erdogan a parlé d’insulte contre les musulmans et a appelé au boycott des produits français. Ramzan Kadyrov, chef de la République Tchétchène, a quant a lui déclaré que le président français, en tenant de tels propos, poussait les musulmans vers le terrorisme.

Loi sécurité globale et violences policières : dépassionnons ces débats

Mort de Cédric Chouviat, agression de Michel Zecler, questionnements sur le maintien de l’ordre dans les différentes manifestations, etc., l’année 2020 aura été ponctuée, comme depuis le début des manifestations des Gilets Jaunes, par des débats sur les violences policières.

Ceux-ci sont souvent très passionnés et manichéens. Entre d’un côté, ceux qui défendent coûte que coûte la police, jusqu’à légitimer ou banaliser certains excès et de l’autre, ceux qui voient les forces de l’ordre comme de véritables ennemis représentants du pouvoir, il est difficile d’y réfléchir en gardant la tête froide. Étant dépositaires de l’usage légal de la force, il est nécessaire de s’interroger sur les conditions et les limites de son exercice.

Les débats tournent souvent autour de plusieurs points, sur lesquels il faut réfléchir pour trouver une solution. Comment réglementer l’usage des LBD ou des grenades de défense GLI-F4 sans pour autant désarmer les policiers ? Comment renouveler l’IGPN afin de la rendre plus efficace, plus neutre et plus dissuasive ? Comment se fait-il que des policiers (de la BAC par exemple) se retrouvent à faire du maintien de l’ordre en manifestation alors que cela ne fait pas partie de leurs compétences et de leur formation ? Comment encadrer des manifestations de plus en plus souvent non-déclarées, imprévisibles et infiltrées par des groupes de casseurs ? Essayons de réfléchir aux causes et aux solutions plutôt que de faire de la morale et camper sur des positions manichéennes stériles.

             Sans doute les débats sur ce sujet ont été les plus virulents au moment de l’adoption par l’Assemblée nationale de la loi sécurité globale, ce 24 novembre. Le but de cette loi est de mieux coordonner l’action de tous les acteurs de la sécurité et de mieux « protéger ceux qui nous protègent ». C’est plus précisément l’article 24 de cette loi, interdisant la diffusion en ligne du visage des membres des forces de l’ordre, qui a provoqué de vifs débats. Écrit dans le but de protéger nos policiers qui sont nombreux à être exposés, même en dehors de leur service, à des menaces et des tentatives d’intimidation, il n’en demeure pas moins que ce texte peut être qualifié de liberticide en ce qu’il restreint la liberté d’expression. Par ailleurs, cette loi peut être perçue davantage comme un coup politique que comme une nécessité juridique. Tous les textes concernant la protection de la vie privée, la mise en danger d’autrui et le droit à l’image existaient déjà, mais pour qu’ils protègent nos forces de l’ordre, encore faudrait-il mettre les moyens pour les appliquer correctement.

L’auteur

Emilien Pouchin

J-500 avant la présidentielle de 2022

À 500 jours du premier tour de 2022, état des lieux des forces politiques en présence

À 500 jours du scrutin présidentiel de 2022, il est encore très tôt pour pronostiquer ceux qui seront les gagnants ou les perdants. Cet article tente ici de présenter un état des lieux des forces en présence, pour analyser où en sont les différents protagonistes, favoris ou outsiders. Car les mois qui viennent seront déterminants dans les positionnements et les stratégies de cette élection incontournable devenue hors-norme. 

Fin avril 2022, soit dans environ 500 jours, nous devrions être appelés à voter pour le premier tour de l’élection présidentielle. C’est un moment crucial pour cette élection centrale de la Vème République. En effet, cette rencontre « entre un homme et la nation » reste le moment privilégié des Français pour choisir la ligne politique qui sera incarnée par le Président de la République. Depuis 1962 et l’instauration du suffrage universel direct pour cette élection, accentué par la mise en place du quinquennat en 2000, le choix du « monarque républicain » reste l’élection plébiscitée par les Français, avec la plus forte participation. Dès lors, il semble intéressant de se pencher sur celle à venir, attendue ou redoutée, elle sera nul doute un nouveau moment fort de notre démocratie. Il est évidemment trop tôt pour faire des pronostics quelconques, mais il convient ici de présenter les rapports de force du moment. Une chose est sûre, si l’élection présidentielle avait lieu aujourd’hui, nous assisterions à un remake de 2017 puisque tous les instituts de sondages donnent Marine Le Pen et Emmanuel Macron en tête, tous deux aux alentours de 25%. Mais paradoxalement, les mêmes sondages semblent montrer une lassitude des Français vis-à-vis de ce duel annoncé et même une envie d’autre chose, qui pourtant n’émerge pas encore. Alors, les mois qui viennent seront cruciaux pour le positionnement et la stratégie des autres éventuels candidats. 

Les déjà candidats : Emmanuel Macron, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon

Tout d’abord, il y a celui qui se retrouve de facto au cœur de cette élection à venir, c’est le Président sortant Emmanuel Macron. Effectivement, c’est le sens même des institutions et de la démocratie représentative que le Président en exercice puisse se présenter à sa propre succession, pour que son bilan puisse être débattu devant les citoyens, puis être approuvé ou sanctionné. Face à un quinquennat très singulier, entre les mouvements sociaux, les Gilets Jaunes, les attentats islamistes et la crise sanitaire et économique, il est probable que les discussions sur le bilan soient mouvementées. Malgré ces épreuves, ou peut-être grâce à elles, l’image d’Emmanuel Macron semble s’améliorer sondage après sondage. Ainsi, 43% des Français interrogés estiment actuellement qu’il est un bon président, soit 7 points de plus qu’en février 2020, selon un sondage Odoxa-Dentsu consulting publié le 4 décembre dernier. Alors, même si Emmanuel Macron dans son entretien à Brut, affirmait, sans doute avec stratégie, « je n’exclus rien » et « peut-être que je ne pourrai pas être candidat », il est vraisemblable de penser que fort des sondages favorables, du soutien de son camp et d’une logique institutionnelle, il sera candidat à sa réélection. 

Marine Le Pen comme Jean-Luc Mélenchon sont entrés très tôt dans la bataille.

Ensuite, il y a ceux qui sont déjà candidats déclarés. Afin de plier le match interne à leurs partis et éviter toute contestation naissante, Marine Le Pen comme Jean-Luc Mélenchon sont entrés très tôt dans la bataille. Face aux critiques de certains au sein du RN qui ne l’imaginent pas gagner, car confrontée à un plafond de verre, et aux tentations de sa nièce Marion Maréchal, Marine Le Pen a dû annoncer dès janvier 2020 son intention de candidater de nouveau à ce scrutin. Elle se place ainsi comme l’opposante numéro un au président sortant, elle plie le match interne et maintient également le duel idéologique entre les mondialistes et les nationalistes. Son investiture par le congrès du parti en 2021 ne fait donc plus de doute. S’inscrivant dans la même stratégie, Jean-Luc Mélenchon, également contesté sur sa capacité de gagner, et afin de s’imposer en premier comme le candidat de la gauche, a annoncé 18 mois avant le scrutin, au JT de TF1, son intention de se présenter à nouveau. Pour se donner une légitimité populaire, le candidat LFI a demandé le soutien de 150 000 signataires pour valider sa candidature. Cette idée novatrice d’un soutien populaire est intéressante mais, les Insoumis revendiquant plus de 600 000 adhérents, le seuil manque clairement d’ambition et fut d’ailleurs atteint en quatre jours. 

Cependant, ces deux candidats radicaux et clivants ne laissent pas envisager une alternance crédible et possible au Président sortant. Les électeurs, dans une idée de vote utile pour l’alternance, pourraient alors chercher ailleurs une solution. Mais justement où en sont les autres partis traditionnels de la droite et de la gauche ? 

La droite : recherche désespérément son leader 

Alors que la France semble s’être largement droitisée, comme le montrent les préoccupations des citoyens (emplois, insécurité, terrorisme) et comme le souligne un sondage Ifop sur l’auto-positionnement des Français (sur une échelle de 0 à 10, ils étaient à 5,8 en moyenne en juin 2019, ils sont aujourd’hui plus à droite à 6,2). La droite, elle, ne semble pas encore prête pour 2022. En effet, dans sa tradition gaulliste, la droite se cherche un chef, un leader capable de lui redonner un élan et de la rassembler. Or, la primaire de 2016 puis l’échec de 2017 lui ont fait perdre nombreux de ses ténors. Fort potentiel cherche chef pour l’incarner. 

Fort potentiel cherche chef pour l’incarner. 

            Fort de nombreux élus locaux et nationaux, la droite ne manque pourtant pas de profils, ni de personnalités ambitieuses, mais force est de constater que dans les sondages d’opinions, aucun d’entre eux n’écrase le match. Il y a d’abord les ambitieux présidents de régions comme Valérie Pécresse et Xavier Bertrand qui ont envie d’y aller, les sondages étant d’ailleurs plutôt cléments pour le Président des Hauts-de-France. Cependant, leur passé de Ministre et leur positionnement centre-droit, ayant quitté leur propre parti (LR), rendent leur investiture et leur éventuelle campagne très difficile. S’ils passent par une primaire, ils risquent la « juppéisation » et s’ils se confrontent directement à Emmanuel Macron, ils risquent l’indifférenciation. Il reste alors de la place pour une droite ancrée dans ses valeurs, sincère, sans passé gouvernemental et ambitieuse dans son projet pour la France. Cet espace est incarné par Bruno Retailleau qui est le seul aujourd’hui à vouloir prendre ce créneau et ainsi être capable de réunir les différents courants de la droite comme l’avait habilement fait François Fillon en 2017. Mais d’autres comme Laurent Wauquiez, Rachida Dati ou Guillaume Peltier pourraient bien vouloir prendre ce chemin également. Ce sera alors sans doute aux sympathisants lors d’une primaire encore inscrite dans les statuts, voire aux militants dans un congrès interne, de trancher. Mais la singularité du sénateur vendéen Bruno Retailleau et son avance dans le cœur de la base lui est largement favorable. Cet espace à droite est d’autant plus large et plus accessible que Nicolas Dupont-Aignan ne peut plus s’y positionner, depuis qu’il s’est allié à Marine Le Pen dans l’entre-deux tours de 2017. 

La droite sera sans doute au cœur de la présidentielle de 2022.

            Enfin, il y a les fantômes, ceux qui ne sont plus dans le jeu politique national, mais qui continuent de hanter la droite et d’être appréciés par les sympathisants de droite. C’est le cas de l’ancien Président Nicolas Sarkozy, parrain de la droite pour les élus et dernier grand leader pour les militants. Même si ce dernier ne semble pas vouloir revenir et affirme avoir définitivement tourné la page, dans un paysage politique chaotique et s’il réussit à prouver l’acharnement judiciaire dont il semblerait être victime, il pourrait s’imposer comme le recours, si le peuple de droite venait à le réclamer. L’autre fantôme, c’est aussi l’ancien Premier ministre Édouard Philippe qui, malgré sa désertion au profit du gouvernement Macron, reste très apprécié à droite et auprès des Français. Mais son impossible positionnement, comme partie prenante ou opposant du quinquennat, face à un Président sortant, rend cette hypothèse très compliquée. 

            Ainsi, la droite sera sans doute au cœur de la présidentielle de 2022. Soit un leader réussira à émerger pour porter ses convictions attendues par une grande partie des électeurs, soit elle sera encore grignotée, peut-être jusqu’au bout, sur sa droite par Marine Le Pen et sur sa gauche par Emmanuel Macron. 2022 vérifiera alors, si la non qualification de la droite française au second tour de la présidentielle en 2017, était une anomalie historique ou si c’était le début d’une refondation plus profonde du paysage politique.

La gauche essaye de trouver une difficile unité 

On croyait la gauche terminée pour l’élection présidentielle de 2022, mais les relatifs bons résultats aux élections municipales, en se maintenant dans de nombreuses villes, souvent grâce à l’alliance avec les Verts, montrent une force politique toujours présente. D’autant plus que la droitisation du Président Emmanuel Macron peut permettre de dégager un espace au centre-gauche et peut-être un retour de l’électorat de gauche modérée. C’est alors sur ce créneau que des personnalités historiques du PS comme François Hollande, Ségolène RoyalBernard Cazeneuve ou Olivier Faure pourraient se positionner pour tenter de réincarner ce parti historique. Mais leur carrière politique semble derrière eux à cause notamment des faibles attentes de la part de l’électorat et dans un espace politique trop restreint. 

Comment alors trouver une figure capable de réunir tous les courants d’idées, aujourd’hui profondément divisés voire incompatibles ?

Tout comme la droite, la gauche est forte d’un maillage territorial et de nombreux élus qui doivent maintenant s’incarner au niveau national. Et c’est là que commence toute la difficulté pour la gauche, qui préfère intrinsèquement les idées aux incarnations. Comment alors trouver une figure capable de réunir tous les courants d’idées, aujourd’hui profondément divisés voire incompatibles ? Ici réside l’impossible équation pour la gauche en 2022 car, depuis la débâcle du quinquennat socialiste de 2012 à 2017 symbolisée par les “frondeurs” et l’incapacité du Président sortant à se représenter, la gauche française recherche un nouveau souffle dans une multitude de courants qui semblent parfois irréconciliables. Effectivement, il semble très difficile aujourd’hui de réunir la gauche républicaine laïciste avec la gauche multiculturelle communautariste, de réunir les sociaux-démocrates favorables aux réformes libérales avec la gauche plus souverainiste opposée à la mondialisation. Même sur la question écologique, qui pourrait pourtant les unir et les faire gagner, les courants s’opposent, notamment sur l’épineuse question de la décroissance. La gauche est donc confrontée à son éternel problème de l’unité, qui est d’autant plus complexe par la candidature de Jean-Luc Mélenchon, se retrouvant ainsi dans le même scénario qu’en 2017. 

            Dans ce contexte difficile, de rancœurs personnelles, d’égos et de luttes partisanes, les sondages laissent quand même apparaître des personnalités fortes qui plaisent aux sympathisants de gauche. Christiane Taubira comme Anne Hidalgo apparaissent ainsi comme des leaders potentiels, mettant en avant les questions sociétales qui peuvent unir, plutôt que d’autres sujets clivants. A l’inverse, une personnalité comme Arnaud Montebourg mise sur le retour du peuple à gauche, en parlant de souveraineté, il espère s’adresser de nouveau aux classes populaires, mais ces dernières semblent définitivement avoir tourné le dos à la gauche traditionnelle. 

L’écologie justement avec EELV, pourrait capitaliser sur son succès aux élections européennes, sur la surprise des municipales et sur l’envie d’écologie de la société pour s’imposer comme force politique capable de rassembler la gauche. C’est alors ce que tente Yannick Jadot, en voulant même se positionner ni à gauche, ni à droite mais bien sur le créneau simple de l’écologie. Mais le bilan et les récentes polémiques des nouveaux maires verts, notamment sur les sapins de Noël et sur le Tour de France, viennent compliquer cette stratégie. D’autant plus que la base militante du parti, plus radicale, décroissante et altermondialiste pourrait bien ne pas vouloir de cette stratégie modérée, comme elle a rejeté Nicolas Hulot à la primaire de 2011 au profit d’Eva Joly.

Et une surprise ? 

Enfin, il y a les éventuelles surprises, celles que l’on attend ou pas, qui sortent de l’ordinaire et qui pourraient bouleverser le scrutin. Elles ne sont pas à négliger car dans un climat de méfiance, de rejet du système et avec un électorat fluide qui bascule plus facilement, tout peut se produire. A près de 500 jours de l’élection, rien n’est à exclure, même d’autres noms que l’on n’imagine pas à l’heure actuelle. 

            Le nom qui circule en ce moment, d’ailleurs étrangement mis en lumière par les médias, est celui de Pierre De Villiers. Ancien chef d’État-Major des armées, parti suite à un désaccord avec le Président Macron au début du quinquennat, il incarne la fidélité à ses convictions, l’autorité et la rigueur face à la « chienlit » du moment. Dans ce contexte particulier, Pierre De Villiers pourrait alors jouer un rôle crucial pour 2022, si ce dernier en a réellement l’envie. Il pourrait en effet capitaliser les voix des Français qui réclament plus d’autorité, comme celle des citoyens désabusés par les politiques, et ainsi devenir une sorte d’homme providentiel. Mais il pourrait au contraire ne pas tenir face à la dureté d’une campagne politique et ainsi devenir un formidable atout d’Emmanuel Macron, en divisant la droite, abaissant ainsi les scores de LR et du RN au profit de LREM. 

Une des figures du mouvement des Gilets Jaunes, Jacline Mouraud, vient d’annoncer le 7 décembre sa volonté de se présenter.

            Aussi, la France a connu durant ce mandat un mouvement social historique, celui des Gilets Jaunes, la colère qui a explosé dans la rue de manière fracassante n’a cependant pas encore trouvé son expression politique qui pourrait venir en 2022. Une figure citoyenne pourrait alors faire tout bousculer à l’instar de Christophe Mercier dans la saison 3 de Baron Noir, qui imagine ce bloggeur inconnu, devenant la figure d’un mouvement citoyen nouveau, se qualifiant au second tour. D’ailleurs, une des figures du mouvement des Gilets Jaunes, Jacline Mouraud, vient d’annoncer le 7 décembre sa volonté de se présenter. Preuve que le mouvement des Gilets Jaunes, qui a demandé la parole pendant plusieurs week-ends sur les ronds-points de la France périphérique, pourrait bien vouloir définitivement la prendre en 2022.

            Enfin, beaucoup moins réaliste et peu probable, mais tout autant discuté, la candidature d’une personnalité publique du monde du spectacle qui, à l’instar de Coluche, pourrait venir perturber l’élection de 2022. Ce fut d’abord le nom de l’humoriste Jean-Marie Bigard qui a fortement circulé, puisque ce dernier a affiché son souhait d’être candidat, avant d’annoncer son retrait. Fortes d’une communauté sur les réseaux sociaux, ces candidatures viendraient éventuellement contourner les campagnes mainstream et traditionnelles. Le site Hanouna 2022 a été déposé, alimentant là encore les rumeurs et même les inquiétudes, mais le présentateur Cyril Hanouna dément tout ambition, car il est difficile dans ce monde médiatique d’assumer puis de porter un projet présidentiel. Didier Raoult, devenu pour certains une icône anti-système depuis sa médiatisation lors du Covid-19 pourrait dans la même idée se positionner pour 2022. 

Le match n’a pas commencé, mais il devrait se préparer activement dans les mois à venir.

            Ainsi, le match n’a pas commencé, mais il devrait se préparer activement dans les mois à venir. Tout reste encore ouvert et possible pour l’élection présidentielle de 2022. Comme celle de 2017 nous l’a montré, les favoris plus d’un an avant ne sont pas forcément les gagnants et les campagnes désormais hors normes peuvent réserver bien des surprises. Une chose est sûre, dans 500 jours nous voterons pour la présidentielle de 2022 et ce seront alors les Français qui trancheront.  

L’auteur

Pierre Vitali

Comment la droite est devenue (malgré elle) l’enjeu de l’élection présidentielle

Pourquoi la France est encore plus de droite ?

Voilà pourquoi je pense que la droite sera l’enjeu de l’élection. Si elle arrive à proposer un projet de société ambitieux et attirant, loin des images de vieux républicains que certains entretiennent, alors la plupart des jeunes Français « apolitiques » et déçus par tous les gouvernements du 21ème siècle pourront très bien voter pour elle.

Cela faisait bien longtemps que la France n’avait pas été autant à droite. En juillet 2020, Jérôme Fourquet, de l’institut de sondage Ifop, analysait pour « Le Point » la vivacité du clivage droite/gauche au profit de la droite en France. Il déclarait que 39% des sondés se disaient à droite, 32% au centre et seulement 13% à gauche. En clair, on observe donc une nette majorité à droite, ainsi que beaucoup de gens « à convaincre ». En effet, se dire « au centre » est pour beaucoup une manière de se déclarer apolitique ; or, les manifestations des gilets jaunes ont montré que la plupart des apolitiques étaient sympathisants de certaines idées de la droite, notamment concernant la pression fiscale. 

Quant à la gauche, il semblerait que ses orientations progressistes (pro-LGBT, pro-migrants, anti-Etat, anti-flic, néo-féministes,etc.) n’intéressent presque plus personne, si ce n’est certains jeunes vivant à travers les filtres d’Instagram ou Twitter (ce qui expliquerait peut-être pourquoi la gauche veut abaisser le droit de vote à 16 ans). Les gens qui vivent dans le monde réel, eux, n’ont pas les mêmes priorités. La gauche ne séduit plus ; même dans son propre camp, on y annonce la fin du règne de Jean-Luc Mélenchon, tandis que le Parti socialiste est mort et enterré par Benoît Hamon. On ne sait pas qui reprendra la tête de la France Insoumise, et on ne sait pas quoi faire de ces fichus écolos.

Et En Marche dans tout ça ? Car eux aussi paraissent disparaître. Leur seule raison d’être semble maintenant de faire barrage au RN. On ne vote plus « pour » LREM, mais « contre » le RN. Pourtant, dans un premier temps, on aurait pu croire à une alliance avec les verts. Cela aurait permis de séparer la gauche de son allié écolo, tout en gardant la droite la plus molle (tirant vers le centre) avec LREM. C’est d’ailleurs ce qu’il s’est passé dans certaines villes pour les municipales, comme à Angers. A Angers le maire sortant Christophe Béchu, fut un des premiers à quitter les Républicains pour se rallier à En Marche (il est notamment proche d’Edouard Philippe). Pour les municipales de 2020, M. Béchu a fait du ménage dans sa liste : il s’est débarrassé de la droite « catho » qui avait permis son élection, pour les remplacer par des proches Europe Ecologie les Verts. Il a ainsi formé une alliance d’une certaine droite progressiste et libertaire. Une stratégie gagnante puisqu’il a remporté les élections dès le premier tour. 

Et si LREM a bien compris que désormais la France n’était plus de gauche, elle compte bien en faire son affaire.

Mais non, En Marche, en traitant les écolos d’amish, s’est définitivement écarté de cette possibilité. Au lieu de nous faire une Béchu, LREM semble vouloir nous faire une Sarkozy. Qu’est-ce que c’est qu’une Sarkozy, me direz-vous ? C’est quand Nicolas Sarkozy, pour sa campagne de 2007, fait appel au conseiller Patrick Buisson pour voler l’électorat du FN. En se présentant comme la droite forte, la droite identitaire qui va « nettoyer les cités au karcher », il arrive à rassembler l’électorat qui avait envoyé Le Pen au second tour de la présidentielle en 2002. Alors quand je vois Gérald Darmanin vouloir se lancer dans une guerre contre le trafic de drogue et les étrangers fichés S, Jean-Michel Blanquer dénoncer “l’islamo-gauchisme” dans les universités, Marlène Schiappa faire la chasse aux clandestins violeurs, et notre Président déclarer haut et fort le danger islamiste, je me dis qu’il y a comme un sentiment de déjà vu. De manière plus générale, la multiplication des attaques terroristes ces dernières semaines a prédisposée l’opinion publique à un type de discours conservateur. En effet, les Français semblent avoir compris le danger réel que représente l’islamisme, et assument de faire primer la sécurité et la liberté sur le vivre-ensemble et le politiquement correct. Et si LREM a bien compris que désormais la France n’était plus de gauche, elle compte bien en faire son affaire.

Pour comprendre ce tournant dans l’opinion publique, il faut comprendre deux notions. La première est bien sûr celle d’hégémonie culturelle, du marxiste Antonio Gramsci : la mainmise de la gauche ou de la droite sur la culture lui garantit la victoire de bataille des idées sur le long terme. Ainsi, si entre les années 60 et les années 90 la gauche jouissait du quasi-monopole de la culture, et même de la culture populaire (ce qui lui a permis de porter Mitterrand au pouvoir en 81), depuis plusieurs années, la droite et ses intellectuels ont investi la culture et semblent reprendre l’avantage, que ce soit à la radio (SudRadio, Europe 1), à la télévision (Cnews, Paris-première), mais surtout sur internet (en particulier sur Twitter), où la plupart des influenceurs se moquent allègrement des délires progressistes du camp d’en face. Le dernier bastion de la gauche restant l’université, mais qui s’affaiblit néanmoins face au syndicalisme étudiant conservateur et pourfendeur des excès dans le domaine académique (UNI, Cocarde). La deuxième notion à retenir est le mouvement dit “dextrogyre”, théorisé par l’historien du droit et maître de conférence Guillaume Bernard, qui décrit comment la droite a repris le monopole de la création d’idées politiques (qui était avant aux mains de la gauche ; Albert Thibaudet parlait alors de mouvement “sinistrogyre”). Ce monopole a permis à la droite de s’imposer dans le débat d’idées, en dictant tant les thèmes que le vocabulaire utilisé. Même si cette route est encore longue (nombreux sont ceux à vouloir laisser 2022 à Macron pour ne mobiliser la droite et l’unifier qu’à partir de 2027), les choses sont en bonne voie pour la droite.

La question de la présidence des Républicains

Se pose donc la question de LR et de sa présidence ; car que ce soit bien clair : LR ne gagnera jamais seul. Il est trop tard pour cela, les jours de gloire des Républicains sont loin derrière eux. L’heure est à l’humilité et aux alliances. Et c’est bien la tête de LR qui choisira ce jeu d’alliance. Voilà deux des scénarios qui me paraissent possibles.

« Le cas Xavier Bertrand » : l’ancien conseiller général, député, ministre du travail et de la santé, secrétaire général de l’UMP qui avait quitté LR dans la débâcle, semble vouloir revenir pour achever le travail. Celui qui déclarait il n’y a pas si longtemps que son ennemi numéro 1 restait le RN, et qui préconise toujours une alliance avec Macron sera la fin de LR comme parti d’une droite dure. Monsieur Bertrand se la jouera faussement sécuritaire et conservateur pour rester crédible (et électoraliste), il fera une alliance avec Macron au second tour pour diaboliser le RN, et créera un énième gouvernement laxiste, progressiste et mondialiste. 

Que ce soit bien clair : LR ne gagnera jamais seul.

« La primaire » : C’est, de loin, le scénario le plus intéressant. Une primaire, ouverte à tous, pour la droite. Au préalable de l’élection, la droite pourrait voter pour celui ou celle qui la représenterait le mieux. Chez LR, des personnalités comme Bruno Retailleau semblent soutenir une telle initiative. Il s’agit de cette nouvelle droite, jeune, fière de ses idées, qui n’a pas peur d’être conservatrice, à la manière de François Xavier Bellamy. Mais des outsiders seraient également possibles : Philippe de Villiers, Charles Gave, ou même Marion Maréchal. Comme le dit très bien le professeur Guillaume Bernard, une primaire commune à la droite serait le meilleur moyen de se mettre d’accord et d’avancer groupé dès le début. 

Bien d’autres scénarios sont possibles, mais ce qui est sûr, c’est que c’est bien autour de cet électorat de droite que se jouera la victoire.

Que doit proposer la droite ?

Je pense que la droite doit être plus visionnaire. Soyons francs, entre nous, cela fait longtemps que la droite ne fait plus envie. Pour les jeunes de 18-25 ans, la droite c’est surtout le parti des vieux riches pour qui votent papi et mamie. Tandis que, pour beaucoup, la gauche c’est le côté « cool », jeune, qui se bat pour le progrès, etc… 

La droite d’aujourd’hui doit s’adresser à un électorat qui va bien au-delà de ses terrains conquis. Elle doit parler à cette France périphérique qui compose la majorité de notre pays, qui le fait vivre, qui endure des politiques publiques de plus en plus déconnectées des réalités. Cette France qui est restée silencieuse pendant longtemps, mais qui a décidé de ne plus se laisser faire. C’est la France qui avait dit non à Maastricht et à Lisbonne, et qu’on avait ignorée. C’est la France des gilets jaunes de la première heure, qui voulait pouvoir vivre de son travail. C’est la France qui en a marre de se heurter à la froideur de la bureaucratie administrative, ou au mépris des élites mondialistes, à chaque fois qu’elle cherche à faire part de son mal-être.

À cette France il faut lui proposer la liberté. La liberté d’expression, là où la gauche cherche sans cesse à criminaliser les discours pour rendre tel ou tel mot illégal, en les qualifiant d’homophobe, d’islamophobe, de grossophobe, de transphobe, etc.. La liberté économique également ; c’est-à-dire la liberté de pouvoir entreprendre, investir, épargner, sans crouler sous des taxes inutiles qui ne servent qu’à engraisser un Etat déjà obèse. 

Soyons francs, entre nous, cela fait longtemps que la droite ne fait plus envie.

Il faut lui proposer un véritable accès à l’éducation. Une éducation qui n’a pas peur d’être exigeante et ordonnée, mais aussi efficace et juste. Il faut qu’elle cultive la méritocratie ainsi que le goût de l’effort. Elle doit proposer des programmes ambitieux, et une méthodologie traditionnelle, loin des pédagogies faussement modernistes qu’on cherche à nous imposer.

La droite doit aussi proposer une identité, un attachement à notre histoire et nos valeurs, à notre héritage, sans distinction de couleur de peau, de sexe ou d’orientation sexuelle. Une identité vis-à-vis de laquelle les Français n’ont pas à s’excuser, et qui ne cherche pas à communautariser notre société, malgré les ambitions de certains de vouloir nous séparer sur la base de nos couleurs de peau. Malgré tous ses défauts (et Dieu sait qu’il en existe), la droite doit aimer la France, et surtout aimer les Français.

La question de l’écologie doit, par ailleurs, être au cœur de la droite de demain. La gauche veut abandonner le nucléaire, qui reste, à ce jour, la façon la plus efficace et la plus propre d’alimenter le pays en électricité. Et pourquoi ? Pour retourner à des centrales à charbon comme au 19ème siècle ? Non merci. 

À cette France il faut lui proposer la liberté.

Enfin, la question centrale de la droite doit être celle de la sécurité. Outre les attentats qui se sont multipliés au cours de la dernière décennie,  les chiffres de l’insécurité ont brisé tous les records. Il n’est pas normal que la sécurité de nos concitoyens soit menacée dans les désormais fameux territoires perdus de la République. La justice et les forces de l’ordre doivent travailler main dans la main afin de résoudre ce problème, et de permettre aux Français, et surtout aux Françaises, de pouvoir sortir la nuit en toute tranquillité.

Voilà pourquoi je pense que la droite sera l’enjeu de l’élection. Si elle arrive à proposer un projet de société ambitieux et attirant, loin des images de vieux républicains que certains entretiennent, alors la plupart des jeunes Français « apolitiques » et déçus par tous les gouvernements du 21ème siècle pourront très bien voter pour elle.

L’auteur

Maxime Feyssac

Le clivage gauche-droite fait de la résistance !

Un auteur de gauche, un auteur de droite, une conviction commune : réaffirmer leurs différences

Toujours solidement installé depuis la naissance de la République, le clivage gauche-droite a continuellement fait la pluie et le beau temps de la vie politique française depuis plus de deux siècles et s’est tellement ancré dans les coutumes nationales qu’il s’est propagé à l’international dans l’essentiel des régimes politiques libéraux. Pourtant, alors que rien ne semblait être en mesure de le défier, ce vieux clivage est aujourd’hui attaqué de toutes parts ; de nombreux représentants politiques rêvent de le voir disparaître mais une tradition si coriace ne peut être abattue aussi facilement qu’ils le prétendent… 

Un peu d’histoire pour commencer…

Ainsi, comment comprendre la nature du clivage gauche-droite sans retourner dans le passé ? Comment expliquer son caractère inaltérable sans s’intéresser au contexte de son apparition ? Selon certaines récentes études, environ 84% des Français parviendraient à se situer politiquement par rapport à la dichotomie gauche-droite1 et 58% de la communauté nationale se revendiquerait de gauche ou de droite2. Si ces constats sont justes, c’est bien que ce clivage traditionnel persiste, d’autant plus que les nombreux “centristes” (32% selon la première étude et 36% selon la seconde) se situent politiquement au regard de cet axe gauche-droite et non en dehors de celui-ci.

Pour revenir aux origines de cette division politique, il convient naturellement d’évoquer le contexte de la Révolution française. Traditionnellement, et de manière quelque peu stéréotypée, cette opposition s’est formée lors des débats qui ont vu le jour au sein de l’Assemblée constituante de 1789 (future Assemblée nationale). Le point de départ est simple et est apparu lors d’une question hautement symbolique et fondamentale pour l’écriture de la constitution républicaine : fallait-il maintenir l’autorité royale en attribuant au roi un droit de veto ? Spontanément, les opposants à la monarchie (les révolutionnaires) et tenants d’une assemblée souveraine se réunirent à gauche du président de l’assemblée ; à l’inverse, les députés favorables à une certaine sauvegarde du pouvoir royal (les contre-révolutionnaires) se rassemblèrent à droite.

Même si, au fil du temps, ce clivage historique s’est refondé en lien avec les évolutions de la société française, il garde en lui cette base inhérente. En effet, les grands principes et valeurs de la gauche et de la droite sont définis en partie par cet événement fondateur : 

  • dès ses origines, la droite a été plus attachée à l’ordre, à la sécurité et à l’autorité, à la défense de la tradition, à un pouvoir exécutif fort et personnifié, elle s’est toujours plus ou moins présentée comme conservatrice. 
  • dès ses fondements, la gauche a quant à elle été révolutionnaire dans le sens où elle a voulu renverser un ordre établi dans un espoir de progrès, elle a toujours aspiré à une société plus égalitaire et socialement plus juste, elle défend la tolérance et la solidarité.

Beaucoup veulent donc enterrer ce clivage gauche-droite vieux de deux siècles, mais ce serait faire fi des dynamiques profondes de la société française et être aveuglé par des ambitions électoralistes… 

Pour autant, ce serait une erreur de penser que cette opposition de valeurs fortes est immuable et resté inchangée à travers l’histoire. Ainsi, prenons l’exemple le plus frappant dans cette constante évolution du clivage : le libéralisme. Cette idéologie a été originellement portée par les ancêtres de la gauche dans une logique progressiste afin de mettre un terme à la monarchie. Le libéralisme incarnait l’émancipation individuelle, la liberté économique allant mener à l’égalité sociale, il représentait un faisceau révolutionnaire contre l’Ancien régime. Une fois en place, le libéralisme s’est progressivement déplacé à droite de l’échiquier politique dans une logique conservatrice ; il fallait en effet le défendre coûte que coûte face à une nouvelle idéologie défendue par la gauche : le socialisme. Alors, une fois la République sanctuarisée, le libéralisme ne nécessitait plus d’être légitimé par les “progressistes” et c’est la droite qui s’est largement accommodée de ce courant de pensée puisqu’il favorise des valeurs chères à celle-ci comme la liberté, la propriété privée, la non-intervention de l’Etat dans les affaires économiques… A contrario, la gauche, sans nécessairement trahir ses principes, ne s’est plus reconnue dans la défense du libéralisme puisqu’il était synonyme de capitalisme, d’inégalités et d’individualisme…   

Aujourd’hui, la bipolarisation gauche-droite est largement bousculée et décriée par toute une partie de la classe politico-médiatique. Selon certains, les partis de LREM (La République En Marche) et du RN (Rassemblement national) en premier lieu, une nouvelle opposition aurait supplanté l’ancienne : celle des mondialistes/européistes/libéraux contre les nationaux/souverainistes/protectionnistes. Beaucoup veulent donc enterrer ce clivage gauche-droite vieux de deux siècles, mais ce serait faire fi des dynamiques profondes de la société française et être aveuglé par des ambitions électoralistes… 

 1- Le positionnement des Francais sur un axe gauche-droite, Ifop -pour Le Point, juillet 2020.

2- La France des valeurs , quarante ans d’évolutions, Presse universitaire de Grenoble, collectif

Le vieux clivage gauche-droite traverse le nouveau monde macroniste

“Et de droite et de gauche”, c’était le projet d’Emmanuel Macron lors de la création d’En Marche en 2016, qui deviendra ensuite La République en Marche. En effet, malgré une volonté assumée du dépassement droite-gauche, LREM se confronte à la réalité d’un clivage qu’elle ne peut réfuter, et doit même se positionner par rapport à celui-ci. Lors des élections législatives de 2017, la stratégie du nouveau monde LREM était basée sur … le vieux monde de la gauche et de la droite. Ainsi, dans les circonscriptions historiquement de gauche, les candidats investis par le parti du Président étaient étonnamment issus de la gauche, et inversement dans les circonscriptions de droite ; première confrontation de ce nouveau monde à la réalité de la carte politique française. 

Lors des élections législatives de 2017, la stratégie du nouveau monde LREM était basée sur … le vieux monde de la gauche et de la droite.

La loi “Asile et Immigration” du 10 septembre 2018 de Gérard Collomb fut aussi le symbole de la persistance du clivage gauche-droite au sein de la majorité LREM. En effet, cette loi “pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie” fut critiquée et jugée trop autoritaire par une partie de la macronie. Face aux nombreux débats qui ont fracturé la jeune majorité, force est de constater que les députés sont naturellement revenus vers leurs origines partisanes, de droite ou de gauche. Ainsi, les parlementaires venant de la droite ont voté et soutenu le texte facilement, alors que ceux venant de gauche ont dû voter sous la contrainte d’une exclusion et certains se sont tout de même abstenus, premier signal de fracture (1 vote contre, 14 abstentions et 99 absents, la plupart d’ex PS ou militants associatifs de gauche). 

Au fil du quinquennat, de nombreux députés ont quitté les rangs de LREM, déçus pour certains de ce dépassement impossible, jugeant le mandat “trop à droite” pour d’autres ou plus généralement renvoyés pour ne pas avoir suivi la ligne officielle. Ainsi, sur les 312 marcheurs élus au Palais Bourbon en juin 2017, il en reste aujourd’hui 270. Cela au profit notamment de la création du groupe “Ecologie Démocratie Solidarité” sur sa gauche, et du renforcement du groupe “Agir ensemble” sur sa droite, preuve que ce clivage persiste y compris pour ceux qui souhaitaient, et souhaitent peut-être encore, le dépassement. 

Au fil du quinquennat, de nombreux députés ont quitté les rangs de LREM, déçus pour certains de ce dépassement impossible.

Si le pragmatisme est une qualité, le dépassement envisageable, l’union sacrée souhaitable, cela peut permettre de faire travailler des personnes de sensibilités différentes ensemble, mais cela ne pourra jamais faire disparaître les valeurs profondes, qu’elles soient de droite ou de gauche. 

Le clivage gauche-droite traverse aussi le Rassemblement National

Mais LREM n’est pas le seul mouvement à butter sur le dépassement du clivage gauche-droite. Le Rassemblement National qui se veut “ni de droite et ni de gauche”, comme l’affirme sa présidente Marine Le Pen, se questionne également. En effet, le RN, ex FN, fondé par Jean-Marie Le Pen en 1972 était classiquement un parti d’extrême droite, conservateur et nationaliste. Ce n’est qu’à partir de 2011 et l’arrivée à sa tête de Marine Le Pen que la stratégie change. A  la stratégie de communication dite de  “dédiabolisation”, s’est ajouté un changement de ligne, atténuant ainsi le côté conservateur du parti au profit d’une ligne plus sociale correspondant sociologiquement à son électorat majoritairement populaire. Si cette stratégie a permis au RN de progresser, et donc d’atténuer les critiques en son sein, la stagnation et le plafond de verre qui semble bloquer le parti font apparaître des tensions sur la ligne du mouvement. Les récentes déclarations et échanges entre Marion Maréchal et sa tante Marine Le Pen le montrent bien.

Entre combat culturel et combat social, le RN semble lui aussi se frotter à la réalité du clivage gauche-droite. 

Le RN de Marine n’est pas le même que celui de Marion. Plus qu’une divergence de personne, de stratégie ou de méthode, c’est bel et bien une différence de ligne politique qui les sépare. L’une, Marine, regarde à gauche ; l’autre, Marion, regarde à droite. Effectivement, les réflexes de Marine Le Pen sont sociaux quand ceux de sa nièce sont conservateurs. La présidente du RN s’oppose plus aisément à la mondialisation, aux banques, aux technocrates, jouant le peuple contre les élites ; quand Marion Maréchal s’oppose plus volontiers à l’islamisation, aux réformes sociétales et aux progressistes, jouant la France éternelle contre les dérives soixante-huitardes. La Loi Taubira de 2013 montrait déjà cet écart d’approche, Marine Le Pen refusant de participer à La Manif Pour Tous lorsque Marion Maréchal souhaitait une mobilisation du FN sur la question. Cet été encore, la discrétion de Marine Le Pen sur les sujets de société, avec le mouvement “Black Lives Matter” importé en Europe, a tranché avec le retour médiatique de Marion Maréchal affirmant “Je n’ai pas à m’excuser en tant que blanche et en tant que française.” 

Si Marine Le Pen a cru imposer sa ligne au sein du parti, en évinçant progressivement les anciens du FN et son père Jean-Marie, c’est bien le retour d’une ligne plus droitière qui refait surface par de nouveaux élus et sa nièce Marion. Cette ligne plus libérale économiquement et assurément conservatrice, défendue par Marion Maréchal, Robert Ménard et Gilbert Collard, voit dans la droite française une potentielle alliée pour gouverner. A l’inverse, la ligne actuelle populiste et sociale, défendue par Marine Le Pen, Steeve Briois et anciennement Florian Philippot, y voit un véritable adversaire et pense devoir gagner seule contre elle. Entre combat culturel et combat social, le RN semble lui aussi se frotter à la réalité du clivage gauche-droite. 

Le danger d’un nouveau clivage social et territorial 

Le clivage gauche-droite est alors une division profonde qui questionne le citoyen sur sa perception de la société et sur sa vision de l’avenir, c’est un rapport au monde. Vouloir conserver ce qui doit l’être ou vouloir changer pour toujours progresser est une différence profonde entre la droite et la gauche. L’aspiration à la Liberté ou une volonté d’Égalité représentent aussi une question fondamentale qui traverse chaque réflexion. Ces questions et ces positions sont personnelles, idéologiques et même philosophiques, cela traverse les âges, les classes sociales ou les origines.   

Le clivage n’étant plus seulement intellectuel, philosophique et historique, il en devient social et territorial.

La nouvelle opposition “mondialiste contre nationaliste” est en revanche un clivage social et territorial, entre ceux qui réussissent économiquement, socialement et culturellement dans la mondialisation et ceux qui y trouvent des diffucltés. Ainsi, au second tour de la présidentielle de 2017, 90% des Parisiens ont choisi Emmanuel Macron ; à l’inverse, les territoires plus sinistrés du Nord et de l’Est ont massivement voté pour Marine Le Pen. Ce nouveau clivage est un ressenti individuel par rapport à sa situation actuelle. La fracture ne fait alors que se renforcer entre les Somewhere, “ceux de quelque part” et les Anywhere, “ceux de partout”, comme l’explique David Goodhart dans The road to somewhere : the populist revolt and the future of politics. 3 Il semble donc y avoir une réalité sociologique à ce nouveau clivage, mais la société “s’archipelise”4 comme l’explique Jérôme Fourquet, elle se fracture et se tend. Cela est-il souhaitable dans une démocratie ?

Si le mouvement d’Emmanuel Macron en 2017 constitue pour certains l’alliance de la bourgeoisie de droite et celle de gauche, on peut également constater que la contestation des Gilets Jaunes en est la réponse, avec l’alliance des classes populaires de droite et celles de gauche. Le clivage n’étant plus seulement intellectuel, philosophique et historique, il en devient social et territorial : deux sociétés diamétralement opposées se font face. L’une qui vit et croit dans le système face à une autre qui ne lui fait plus confiance et ne veut plus y croire dans une No Society5, comme le décrit Christophe Guilluy. 

Pour réussir à sortir de cette crise de confiance, pour parvenir à réunir le peuple français qui semble inconciliable, la droite et la gauche françaises, qui ont exercé et déçu, doivent faire le point sur leurs erreurs et leurs trahisons passées et prouver ainsi qu’elles ont encore quelque chose à dire…

3-  David Goodhart, The Road to Somewhere: The Populist Revolt and the Future of Politics, C Hurst & Co Publishers Ltd, 2017. 

4- Jérôme Fourquet, L’archipel français, Le Seuil, 2019

5-  Christophe Guilluy, No Society : La fin de la classe moyenne occidentale, Flammarion, 2019.

“Ce que la gauche a encore à dire” 

La gauche française historique et socialiste a reçu un véritable coup de massue lors des élections présidentielles de 2017. Son candidat, Benoît Hamon, rejeté par toute une partie de sa propre famille politique, n’a jamais su rassembler son camp et convaincre la gauche. Cette défaite constitua un désastre pour le Parti socialiste qui plongea dans une crise sans précédent et qui semblait pratiquement signer son arrêt de mort… Même si la gauche française ne peut se résumer au simple PS, elle ne peut non plus se reconnaître durablement dans la ligne défendue par Jean-Luc Mélenchon et ses Insoumis qui jouent clairement le jeu de l’affrontement entre “peuple” et “élites” et de la division interne en n’acceptant aucune “union de la gauche”. 

C’est dans de telles épreuves que l’on est susceptible de se réinventer et de prouver sa valeur propre.

La gauche française, tout comme son meilleur ennemi (la droite), est aujourd’hui confrontée à un défi de taille qui peut justement participer à sa renaissance. C’est dans de telles épreuves que l’on est susceptible de se réinventer et de prouver sa valeur propre. La gauche doit ainsi démontrer que ceux qui participent à la disparition de la dichotomie gauche-droite ont intérêt à la voir se réaliser dans une démarche électoraliste et qu’ils n’ont certainement pas gagné la bataille des idées. A l’approche de 2022, mais aussi dans une vision de long-terme, voici les grandes problématiques et sources de division que la gauche française doit résoudre :

La question européenne : c’était l’une des causes centrales du dissentiment opposant Hamon et Mélenchon en 2017. Le premier affirmait avec fierté son attachement à l’Union européenne : “je ne jouerai pas l’Europe à la roulette russe”, déclarait-il ; le second, rompant avec la tradition multilatéraliste de gauche, menaçait de quitter l’Union européenne en cas d’échec de renégociation des traités européens. Il faut ici se souvenir que le projet européen a toujours été porté et défendu par les personnalités socialistes : de Jean Jaurès dès le début du XXe siècle (évoquant “une première organisation de l’Europe, préparant et ébauchant une alliance plus vaste, l’alliance européenne pour le travail et pour la paix6), en passant par François Mitterrand et Jacques Delors dans les années 1980-1990 (donnant notamment une dimension politique à la construction européenne, et non plus seulement économique), jusqu’à François Hollande (défendant corps et âme l’unité européenne au moment de la crise grecque de 2015), l’idée européenne se trouve au coeur des grandes idées de gauche. Il ne s’agit pas d’occulter les difficultés d’ordre idéologique – (néo)libéralisme à outrance, manque de démocratie et de politiques sociales, mise en concurrence des pays – auxquelles se retrouve confronté tout socialiste dans l’évolution de la construction européenne, il s’agit à l’inverse d’instaurer un rapport de force propre à la gauche. En effet, il faut rappeler que la dimension de “lutte” est primordiale chez elle, comment pourrait-elle se contenter d’abandonner et de donner raison à ceux qu’elle combat ? La gauche ne peut se permettre de jouer le jeu du repli sur soi, au risque de trahir ses principes, mais surtout de créer des tensions dans l’Europe où règne la paix depuis 70 ans, si chère à la gauche… En outre, il apparaît évident que l’Union européenne constitue l’échelon pertinent pour répondre à des enjeux cruciaux tels que le défi climatique (pensons au fameux Green Deal), le maintien d’une place de prestige dans l’économie internationale, l’emploi, la prise en charge des immigrés, l’aide au développement des pays les moins avancés… Tant de sujets chers à la gauche qu’il est nécessaire de porter sans cesse sur l’agenda européen.

La question de l’identité : c’est une véritable poudrière capable de mener à de graves divisions irréconciliables.

La question de l’identité : c’est une véritable poudrière capable de mener à de graves divisions irréconciliables, le combat idéologique entre les “universalistes” et les “identitaires” ne fait que commencer… La gauche, toujours attachée à l’égalité et à la lutte contre toutes formes de discriminations, se retrouve aujourd’hui coincée dans un étau : poursuivre son attachement à la laïcité française et à l’universalisme républicain ou à l’inverse épouser le discours “identitaire” qui entend mettre en lumière les différences (“raciales”, de religion, de genre, d’orientation sexuelle…) pour mieux effacer les discriminations. Ainsi, pour la gauche, il ne s’agit pas de se voiler la face : il faut évidemment se battre chaque jour pour faire avancer l’égalité de conditions et de traitement entre tous les citoyens français. En revanche, faire sienne la logique identitariste s’avérerait dangereux puisqu’elle comporte en elle la tentation d’un repli communautariste, la censure et la fragmentation des luttes sociales. La gauche s’est toujours employée à expliquer les maux et les souffrances de la société en gardant à l’esprit le prisme “social” (pensons à l’immortelle lutte des classes), et non pas “identitaire” ! Comment un tel retournement de valeur a-t-il pu s’opérer alors même que c’est le propre de la droite et encore plus de l’extrême-droite de flatter l’identité et de défendre sa portée… La gauche, comme sa fille la République, doit être aveugle aux différences humaines – qu’importe leur nature – et doit encourager l’accomplissement d’un modèle universel plus abouti, réellement égalitaire. Comment pourrait-on omettre que l’ultime rêve de la gauche est la “convergence des luttes”, l’union de toutes les gauches dans l’héritage du Front populaire, dans une optique de défense de l’égalité du peuple dans son ensemble mais surtout pas de promotion de communautés particulières…

La question écologique et la question sociale qui la sous-tend : il s’agit sans doute du point le plus consensuel chez la gauche contemporaine, surtout au regard des deux grandes problématiques soulevées auparavant. Mieux encore, c’est cette thématique qui semble en mesure de faire gagner la gauche aux prochaines élections : si elle parvient à construire un projet cohérent autour de la question environnementale et qu’elle convainc le peuple français – de plus en plus acquis à la cause – qu’elle représente la meilleure offre politique pour avancer sur cette impérieuse question. En effet, il est clair que l’écologie politique est née à gauche. Par humanisme, par solidarité, par volonté de coopération internationale, par la mise en évidence d’un seul et même genre humain, par l’ouverture de la “sphère de considération morale” à l’égard des autres êtres vivants (en particulier des animaux non-humains), par la remise en cause du système aussi, l’écologie politique comporte en elle une dimension révolutionnaire propre à la gauche. Ainsi, il est indispensable de sortir d’une vision caricaturale de l’écologie qui serait une forme de lubie provenant des “bobos” des grandes villes et qu’elle exigerait de bénéficier de hauts revenus pour l’achat des produits respectueux de l’environnement. Il est urgent de renverser cette tendance ; sur ce sujet, et sur tant d’autres encore, la gauche doit abandonner sa dimension “élitiste” et relancer un dialogue sincère et ouvert vers son électorat historique : les classes populaires et précaires. La gauche doit relever ces défis : sortir d’une vision punitive et méprisante de l’écologie, faire prendre conscience aux milieux les plus pauvres qu’ils sont et resteront les premières victimes du dérèglement climatique (alors qu’ils ne participent en rien aux émissions totales de gaz à effet de serre notamment), convaincre le peuple qu’un projet écologique nous donnerait collectivement l’opportunité de réfléchir à nos modes de vie pour tendre vers une société soignée de ses comportements individualistes et égoïstes.

Battons nous pour les idées qui nous unissent et mettons toutes nos forces en commun pour que la gauche renaisse !

En définitive, la gauche française doit cesser de se diviser et de trahir les principes qui l’ont toujours définie, il est nécessaire qu’elle trouve des consensus sur les questions essentielles énoncées plus tôt, mais surtout il est urgent qu’elle renoue avec son identité. N’en déplaise à ceux qui rêvent de la voir disparaître, la gauche et ses idées ne mourront pas du jour au lendemain. Elle porte en elle des idéaux impérissables qui ont toujours accompagné les évolutions de notre monde, elle s’est sans cesse battue pour rendre le quotidien du peuple plus agréable et confortable, elle a perpétuellement pris la défense des opprimés, de tous ceux qui souffrent sans aucune distinction. Comme cela s’est déjà produit à de maintes reprises dans l’histoire (rappelons-nous de l’emblématique désunion entre les révolutionnaires et les réformateurs), la gauche apparaît aujourd’hui divisée sur un certain nombre de questions mais elle ne peut se laisser abattre. Rangeons les égos, mettons de côté les ambitions personnelles, favorisons le dialogue au sein de notre camp politique, battons nous pour les idées qui nous unissent et mettons toutes nos forces en commun pour que la gauche renaisse !

6-  Jean-Pierre Rioux, Entre guerre et paix : le monde nouveau vu par Jaurès, 2007

“Ce que la droite a encore à dire” 

Pour la droite, la vertu suprême est la prudence. Dans un monde qui change à grande vitesse, et dans lequel ces évolutions nous échappent et s’imposent à nous, il apparaît important de se rattacher à cette prudence. Cette vertu, c’est la modestie d’accepter que quelque chose nous dépasse, c’est notre nature, notre culture, notre civilisation. Déjà, les nombreux problèmes et maux de notre société semblent imposer les idées de la droite, cela étant confirmé sondage après sondage. Face à l’insécurité, le parti de l’ordre. Face à l’imposition et aux réglementations excessives, la liberté économique. Face à la perte de repères, le retour aux valeurs. Mais plus que sur de simples propositions techniques, la droite a encore beaucoup à dire, parce que la droite, et seulement elle, peut trouver le chemin étroit pour sauvegarder notre mode de vie. Ce chemin étroit est une ligne de crête entre deux excès, pour conserver ce qui doit l’être et réformer ce qui est nécessaire. Effectivement, il s’agit de renouer avec l’histoire et de préserver notre civilisation. Renouer avec la réussite économique, la croissance et le développement, tout en préservant les traditions, valeurs et règles qui font ce que nous sommes. En cela, les idéaux de la droite sont nécessaires car tout en gardant bon sens, pragmatisme et sens des réalités, ils s’appuient sur un rêve mystique, celui de la France éternelle et puissante.

La droite a encore beaucoup à dire, parce que la droite, et seulement elle, peut trouver le chemin étroit pour sauvegarder notre mode de vie.

Cependant, la droite d’aujourd’hui incarnée par le parti LR, ne semble plus convaincre une majorité de Français, alors même que ces derniers semblent plébisciter ses valeurs, symptôme encore visible de cette crise de confiance qui fracture nos démocraties. Il faut alors penser les questions qui empêchent aujourd’hui la droite de renouer avec la victoire, pour mieux penser les solutions qui lui permettront de relever ces défis :

l’épineuse question du bilan : si la droite a perdu, c’est que la droite a déçu. L’obsession d’une partie des “ténors” à regarder à gauche lorsque la base regarde à droite, la lâcheté d’opportunistes prêts à changer de discours en fonction des postes, l’habitude insupportable de certains à tirer contre leur propre camp et l’immobilisme de confort, ont rendu le personnel politique de droite caricaturé par les erreurs d’une minorité. Le formidable élan de la campagne de 2007 autour de Nicolas Sarkozy est encore dans le coeur politique des Français. Mais la violence de la crise économique mondiale de 2009, le manque de courage de certains conseillers et la violence médiatique ont alourdi cet élan. Il appartient donc à la nouvelle génération de droite, notamment celle de la vague bleue des municipales de 2014, de relever cet élan et de dresser le bilan des trente dernières années pour comprendre les erreurs du passé. Cette nouvelle génération se lève, elle n’est pas responsable du passé et compte bien assumer les valeurs et les solutions de droite. Ces nouveaux militants et ces nouveaux élus, reprennent le terrain des idées, du militantisme, de l’associatif et prouvent dans le réel que l’avenir de droite est bel et bien possible.

la question écologique : pour renouer avec la victoire, la droite devra relever le défi de l’écologie politique, et doit pour cela stopper le véritable hold-up de la gauche sur cet enjeu. En effet, la gauche n’a pas le monopole du vert. Au contraire même, les valeurs de l’écologie sont profondément de droite : l’idée d’être prudent vis-à-vis de la nature, de vouloir conserver la qualité de vie, la  biodiversité et les paysages. D’ailleurs, la caricature des nouveaux élus EELV alliés à la gauche, préférant l’idéologie rouge aux solutions vertes, laisse pleinement une place pour l’écologie de droite. En choisissant comme priorités la fin du nucléaire, la légalisation du cannabis ou la suppression des sapins de Noël, les nouveaux élus verts/rouges montrent le visage de leur parti, ils ne sont pas à eux seul l’écologie tout entière, mais ils sont une branche qui propose une certaine vision de l’écologie. Dès lors, une autre branche de solutions peut émerger, celle de l’écologie de droite, de la croissance verte et des solutions réalistes et non idéologiques. Le bilan de la droite en la matière est d’ailleurs très positif car c’est elle qui a créé le Ministère de l’Environnement en 1971, qui l’a transformé en Ministère de l’Écologie et du Développement durable en 2002, qui a fait le Grenelle de l’Environnement en 2007 et qui prouve à la tête des collectivités territoriales une réelle ambition pour l’écologie de solution. Il ne manque plus qu’une véritable ambition pour l’écologie, pour que la droite coche toutes les cases des préoccupations citoyennes. 

la question de l’incarnation : fort d’un maillage territorial colossal, d’un bilan de bonne gestion des collectivités, de valeurs solidement ancrées, d’une réalité qui semble lui donner raison, la droite a encore quelque chose à dire et à proposer à la France. Mais ce projet qui peut être rassembleur nécessite une mobilisation générale autour d’un chef. Car oui la droite c’est la culture du chef. Les débats de motions, de sémantiques, de propositions importent peu, car c’est seulement rassemblés autour d’un leader que la droite gagne. Non attachée à un parti ou à un nom, la droite française héritière du général de Gaulle aime le leadership et les grands rassemblements. RPF, UDF, RPR, UMP, LR, peu importe la terminologie ou la structure, c’est unis autour d’une figure forte qu’elle peut prendre tout son élan et retrouver toute sa force, comme ce fut autour du général de Gaulle, de Georges Pompidou, de Charles Pasqua, de Philippe Séguin, de Jacques Chirac, de Nicolas Sarkozy… Aujourd’hui, ce chef semble inconnu et la mobilisation impossible, mais tout comme la voix d’un chef s’est élevée en juin 1940 à Londres alors que tout semblait terminé, la voix d’un nouveau leader peut encore émerger… La droite ne manque pas de talents, ni de moyens pour faire émerger un chef. Il lui faut simplement le temps de la reconstruction de l’unité. 

Croire la droite terminée, c’est méconnaître son histoire et c’est oublier l’histoire politique qui est faite de hauts et de bas.

Croire la droite terminée, c’est méconnaître son histoire et c’est oublier l’histoire politique qui est faite de hauts et de bas. Aux européennes de 1999, la droite affichait un score de 12% et avait gagné trois ans plus tard la présidentielle ; inversement aux européennes de 2009, le parti du gouvernement était arrivé en tête et avait ensuite perdu tous les scrutins. Ce sont dans les moments compliqués que l’on peut mieux rebondir, car cette période invite au questionnement, permet d’éclairer sur les tempéraments de chacun et est propice à l’émergence de leaders. En renouant avec des défaites, la droite a en effet retrouvé le doute, et c’est ce doute qui lui permettra de reconquérir le pouvoir et qui l’invite à repenser sa politique. Ce doute doit lui permettre d’en finir avec les divisions et querelles intestines, d’en finir avec la honte de ses valeurs, de renouveler ses méthodes et de se réapproprier des sujets forts et cruciaux comme l’écologie, le travail et la sécurité. L’incertitude du monde laisse d’ailleurs apercevoir de vraies opportunités pour la droite, car partout dans le monde occidental la droite reprend pied en se reposant sereinement sur ce qu’elle est et en se recentrant sur les attentes du peuple, comme au Royaume-Uni avec Boris Johnson, en Autriche avec Sebastian Kurz ou en Grèce avec Kyriákos Mitsotákis. C’est cette droite fière d’elle même, populaire et moderne qui permettra un retour dans le coeur des citoyens et dans les urnes. 

Réconcilier la démocratie avec elle-même

Pour conclure, il apparaît évident que le clivage traditionnel opposant la gauche et le droite fait partie intégrante d’une démocratie de type parlementaire. Mais aujourd’hui il n’est plus expliqué, transmis ou assumé, il est en revanche caché, caricaturé et résumé entre deux partis politiques. Alors qu’il offre pourtant la possibilité constante d’offrir un débat d’idées constructif, de mener à des prises de position claires et sans ambiguïté (pas de « en même temps »), d’opposer des valeurs fortes qui ne peuvent rester floues et de s’inscrire dans un passé et une histoire. Le problème d’un nouveau clivage qui mettrait face à face les « mondialistes » vivant dans les métropoles et les « souverainistes » installés dans les campagnes, c’est que nous avons affaire à une opposition stéréotypée qui ne repose sur aucun positionnement intellectuel et historique. Pire encore, ceux qui voient un intérêt à construire cette dichotomie (Marine Le Pen et Emmanuel Macron en premier lieu) exacerbent des tensions territoriales et provoquent une forme d’irréconciliabilité dangereuse pour le devenir de la cohésion nationale. Au lieu de se combattre raisonnablement sur le plan des idées – propres à la gauche et à la droite -, ce nouveau clivage entend opposer les citoyens sur ce qu’ils sont (au lieu de ce qu’ils pensent) : citadins contre ruraux, « élites » contre « peuple », classe des éduqués supérieurs contre classe populaire, mondialistes contre patriotes… Comment faire société sur les bases d’un postulat si caricatural appelant à la fracturation de plus en plus poussée de la population ? Renonçons à l’aggravation de cette division nationale et tentons de réconcilier le peuple dans son ensemble en portant des projets politiques forts et rassembleurs, à l’aune du bon vieux clivage gauche-droite ! 

Les auteurs

Pierre Vitali

Et si on aimait le populisme ?

La place du populisme au sein du régime des partis

Le populisme est aujourd’hui sur toutes les lèvres. Les médias utilisent ce terme le plus souvent péjorativement, pour qualifier une variété de régimes, de personnalités politiques, de mouvements ou de partis présentant, apparemment, des similitudes. Face à cette masse d’entités affublées d’un même adjectif, il apparaît de plus en plus compliqué de comprendre ce qu’est le populisme, ce à quoi il tend et quelle est sa place (si tant est qu’il en ait une) au cœur du régime des partis.

“Nos régimes sont dits démocratiques parce qu’ils sont consacrés par les urnes (…) mais nous ne sommes pas gouvernés démocratiquement”. Dans son ouvrage Le Siècle du populisme : histoire, théorie, critique, paru le 9 janvier 2020, l’historien et sociologue, professeur au Collège de France Pierre Rosanvallon prend ce constat comme point de départ pour comprendre le populisme qui selon ses propres mots, « révolutionne la politique du XXIe siècle ».

Une telle approche permet de s’éloigner, avant toute analyse, des idées reçues, pour appréhender un phénomène amalgamé et très critiqué.

Une telle approche permet de s’éloigner, avant toute analyse, des idées reçues, pour appréhender un phénomène amalgamé et très critiqué qui présente pourtant de nombreux aspects déterminants vis-à-vis des crises traversées par les démocraties représentatives libérales contemporaines du système des partis politiques.

    Le terme populisme, est issu du latin populus, « peuple, ensemble des citoyens ».  Il est défini par la 9ème édition du dictionnaire de l’Académie Française comme une attitude, un comportement d’un homme ou d’un parti politique qui, contre les élites dirigeantes, se pose en défenseur du peuple et en porte-parole de ses aspirations.

Ce terme est généralement utilisé péjorativement par les médias et par ses opposants. Les classes dirigeantes mettent en lumière le populisme comme un ensemble de tous les « archaïsmes » et freins au développement de leur politique. A travers les médias, le populisme semble aussi dénoncer la mobilisation du peuple par des promesses électoralistes, flattant le peuple par le biais du nationalisme, de la xénophobie, du racisme et exacerbant les enjeux sécuritaires.

Une telle variété d’utilisation et d’interprétation d’un terme à la racine pourtant claire amène à la constitution d’un flou lexicographique. Cependant, si ce terme est cohérent avec son histoire (populus) on peut le limiter à sa définition académique. Il est donc important de noter que le populisme ne sera pas, ici, traité en synonyme de démagogie, d’électoralisme ou d’opportunisme ni associé systématiquement à des mouvements d’extrême droite xénophobes, ou à des démagogues de tous bords idéologiques qui sont avant tout nationalistes ou postfascistes, pour les uns ; et démagogues tout court pour les autres.

    Selon une enquête menée par l’ESS (European Social Survey) entre 2012 et 2016, 55% des citoyens interrogés aussi bien en Europe qu’aux États-Unis considèrent que la démocratie fonctionne “assez mal” ou “très mal”. La défiance à l’égard des partis politiques est aussi largement répandue en Europe et semble être un des facteurs du résultat précédent: 68% en Allemagne, 75% au Royaume-Uni et en Autriche avec des records en France (89%), en Espagne (90%) et en Italie (91%). On constate aujourd’hui dans ces régions une proportion croissante au vote et à l’adhésion aux mouvements dits “populistes”.

On peut identifier le populisme comme capable de renouveler un système des partis politiques en proie aux crises de défiance.

    Une telle mise en contexte traduit tout l’intérêt du sujet alliant partis politiques et populisme. A l’heure où la majorité des démocraties libérales basées sur le système des partis politiques sont sujettes à des crises de la représentation, la résurgence populiste apparaît comme un point commun non négligeable des différentes régions concernées.

Ainsi, le populisme est-il un simple effet temporaire des crises comme il a pu l’être auparavant ou doit-on considérer cette résurgence comme tournant dans l’histoire du fonctionnement de nos démocraties et des partis politiques?

La caractérisation du populisme contemporain comme détenteur d’une double fonction de  signal d’alarme de la défiance face aux dysfonctionnements du système des partis et de rappel des fondements démocratiques du système s’appuyant sur une durabilité inédite et une intégration au système des partis politiques permet d’identifier ce mouvement comme capable de renouveler un système des partis politiques en proie aux crises de défiance.

La double fonction populiste

Le populisme contemporain dans sa globalité est caractérisé par une contestation généralisée des partis politiques constitutifs du paysage démocratique classique et des détenteurs du pouvoir qui en sont directement issus. Cette contestation peut prendre une valeur d’opportunité pour ces partis politiques sujets à des crises de confiance, de représentativité se traduisant en défiance de la part des citoyens. En effet, l’opportunité de renouvellement des partis politiques par le populisme, réside dans sa double fonction de dénonciateur des déviances, comme véritable sonnette d’alarme et comme rappel permanent des fondements démocratiques du système.

    Le populisme, face aux partis politiques et au système qui les regroupe, fonctionne comme véritable « signal d’alarme » des citoyens.

Le populisme agit comme nouveau porte-parole direct de citoyens ne croyant plus aux partis politiques en place sur le paysage politique.

Il se manifeste systématiquement comme ensemble de dénonciation des défauts des démocraties représentatives libérales. Le populisme agit comme nouveau porte-parole direct de citoyens ne croyant plus aux partis politiques en place sur le paysage politique et n’ayant pas été capables de répondre à leurs attentes. Dans les faits, ils naissent en réponse à des crises sociales dans des contextes nationaux singuliers mais sont en réalité des réponses directes, de la part de l’électorat, au dysfonctionnement des partis politiques dans leur rôle d’agent de généralisation comme l’explique Laurent Bouvet dans L’agonie du système politique français (Slate, 22 juillet 2014) .

Les partis politiques aux accents populistes ne se restreignent aujourd’hui plus au cadre de la crise qui les a vus naître mais leur naissance permet malgré tout la mise en valeur de l’insatisfaction citoyenne vis à vis du système en place.

En effet, bien que les nombreuses similitudes entre les différents partis au discours populiste portent à qualifier un mouvement commun, il ne faut pas oublier qu’il existe des variations d’un pays à l’autre quant à leur irruption et à leur installation. Les naissances et mise en place des organisations politiques de la mouvance populiste restent très directement indexées aux dates respectives de crises politiques propres à chaque pays.

De plus, dans l’histoire, ce sont bien des problèmes socio-économiques et des crises liées à la corruption du régime qui sont à l’origine des mobilisations populistes (le poujadisme par exemple).

Le populisme n’est pas ici un danger, mais un témoin, une alerte statuant du dysfonctionnement du système des partis politiques vis à vis du peuple aujourd’hui.

Le populisme, dont l’intégration et l’utilisation des systèmes politiques et partisans sont toujours identiques par toutes les mobilisations populistes, atteste ainsi bien de l’existence d’un modèle d’action commun mais naissant de crises variées qui l’identifient comme sonnette d’alarme prévenant des dysfonctionnements du système.

Enfin, l’importance et le poids croissant du populisme au sein du paysage démocratique peut être identifié comme un déséquilibre du système lié à un isolement, un écart trop important entre les élites gouvernantes et le peuple censé être souverain. Le populisme n’est pas ici un danger, mais un témoin, une alerte statuant du dysfonctionnement du système des partis politiques vis à vis du peuple aujourd’hui.

Laurent Bouvet explique ces dysfonctionnements par le rejet des partis dû à une place ambiguë au sein des institutions. La place centrale du président de la République dans les institutions présente un paradoxe: les partis sont indispensables au soutien nécéssaire pour parvenir au poste tandis qu’ils deviennent gênants une fois le poste atteint puisque le chef de l’État doit s’en détacher. De plus, la mise en place du quinquennat renforce ces difficultés structurelles en maintenant le président de la République comme chef de parti. A cause de cela, les partis ne remplissent pas leur rôle constitutionnel et prennent la forme de “lieux totalement dépourvus d’influence et d’intérêt en dehors de l’organisation centrale et déterminante de la désignation du candidat à la présidentielle”. Ils perdent ainsi toute légitimité aux yeux des citoyens en étant réduits à cette seule fonction.

En outre, Laurent Bouvet parle de “la reformulation de nombre de débats politiques ces dernières années autour de l’enjeu européen” comme contrainte pesant sur les partis et constituant une cause explicative de leur rejet. Les positions variées au sein des grands partis traditionnels constituant le paysage politique (ex: UMP, PS…) conduisent à une illisibilité du paysage politique pour le citoyen qui développe une défiance à leur encontre. Ils sont vus comme des entreprises politiques tournées vers elle-mêmes.

Les partis prennent la forme de “lieux totalement dépourvus d’influence et d’intérêt”

La domination des postes de pouvoir par une classe dirigeante non renouvelée et homogène conduit à une déconnexion par rapport à la sociétés et ses problématiques. Ce fait est aussi, selon Laurent Bouvet, une cause du rejet des partis politiques. En effet, un éloignement s’opère entre les électeurs et ces élites qui se traduit en défiance envers une catégorie de personnes privilégiées non représentative de la majorité des citoyens.

En dernier lieu, Laurent Bouvet désigne le “délitement du rôle d’agent de généralisation” des partis politiques comme cause de leur rejet. Les partis politiques ont perdu leur fonction de coordinateur des demandes politiques disparates en projets politiques. Aujourd’hui ils se caractérisent par une succession de coalitions sans lien cohérent et constituent un regroupement de multiples revendications pouvant être antagonistes.

Cette fonction de lanceur d’alerte constitue une première étape du rôle du populisme dans son processus de renouvellement du système des partis politiques en difficulté. A cela s’ajoute une seconde fonction: celle de rappel des fondements démocratiques du système pour éviter de les perdre de vue.

Le mouvement populiste, souvent dénoncé comme mettant en danger la démocratie soutient, par définition, l’idée de souveraineté du peuple et de la décision majoritaire.

Il est inséparable du peuple et donc de l’idée même de démocratie. Loin d’être son pendant négatif ou mauvais, le populisme est le produit même de la démocratie représentative.

Comme l’explique Laurent Bouvet « cette démocratie partout célébrée et désirée est aussi la forme civilisée d’un populisme partout craint et abhorré » (Le sens du peuple, p 229). « Il est donc non seulement vain mais néfaste de ne voir dans le populisme que la face obscure de la démocratie et de ne le considérer que comme l’étape préalable d’une inévitable dérive fasciste » (p 230).

Le populisme est donc fondamentalement lié à la notion même de démocratie et joue alors rôle de garde fou. Il rappelle par sa présence au sein de partis politiques, et donc au sein du système des démocraties modernes, les fondements essentiels à leur bon fonctionnement.

A travers les discours de leaders politiques et de figures charismatiques de ces mouvements comme Beppe Grillo, à la tête du parti Cinq étoiles en Italie ou Trump par exemple, on critique souvent le populisme d’apporter des solutions simplistes et idéalistes à une réalité présentant des problématiques complexes.

« cette démocratie partout célébrée et désirée est aussi la forme civilisée d’un populisme partout craint et abhorré »

Ces critiques paraissent fondées mais n’entachent pas la fonction de rappel des fondements du système démocratique duquel font partie les différents partis politiques.

Ainsi, une double fonction de sonnette d’alarme et de rappel permanent des fondements démocratiques dans lesquels sont censés évoluer les partis, permettent de constituer la base d’un populisme peut-être acteur du renouvellement des partis politiques au sein des démocraties modernes.

Une solution plus qu’un problème

La double fonction du populisme ne peut être effective dans un renouvellement sans deux autres facteurs essentiels. En effet, l’intégration due à ce mouvement et son adaptation aux différents systèmes démocratiques ainsi que son caractère durable inédit en leur sein, caractérise la possibilité d’un renouvellement plutôt que d’une mise en danger du système des partis politiques.

Une des deux caractéristiques majeures qui caractérisent le populisme comme mouvement intégré au système démocratique des partis politiques est son rôle de pilier de la démocratie.

Cette notion est expliquée par Federico Tarragoni, sociologue italien, Maître de conférences HDR et Directeur du Centre de recherches interdisciplinaires sur le politique (CRIPOLIS) à l’Université Paris Diderot, dans son ouvrage, Il faut faire le peuple ! Sociologie d’un populisme « par le bas » mais aussi par Margaret Canovan, théoricienne politique anglaise, dans Populism. Les deux auteurs confirment la théorie du politologue français Jean Leca qui décrit deux piliers de la démocratie.

    Le premier pilier est le constitutionnalisme défini comme “l’Etat de droit protégeant des sphères de droits spécifiques contre le pouvoir arbitraire de l’Etat”. C’est l’insistance du gouvernement sur l’ensemble des procédures et techniques nécessaires au fonctionnement du système démocratique. Cependant, ce pilier agrandit la séparation entre le peuple et les représentants.

    Le second pilier est donc le populisme, que Federico Tarragoni décrit comme “phénomène social lié à l’accès des masses à la politique” où “le populiste se retranche sur la dimension éminemment utopique de la démocratie et donne une voix au peuple comme entité concrète, visible, tangible” (Il faut faire le peuple!).

Cet équilibre permettant un régime démocratique sain repose sur ces deux piliers. La fonction du populisme est donc parfaitement intégrée au sein même du système démocratique, puisqu’elle en est  même à sa base : elle est une de ses deux faces. Son importance croissante marque donc, comme nous le verrons ensuite, des dysfonctionnements majeurs du système démocratique de nos jours.

    La seconde caractéristique du populisme l’empêche d’être raisonnablement qualifié de marginalisé au regard du système ou de mouvements anti-système, mais, au contraire en fait une notion intégrant le système démocratique et surtout le système des partis politiques : c’est son hybridation.

L’organisation systématique des mouvements avec des logiques populistes sur le modèle partisan classique du système politique des partis des démocraties libérales prouve son intégration. Cela peut être observé en Europe avec des partis ayant des discours comprenant, entre autre, une logique populiste comme le Rassemblement National (France), le mouvement 5 étoiles (Italie), le PVV (Parti de la liberté, Pays-Bas)…

Ainsi, les partis intégrant des discours populistes agissent aujourd’hui dans les systèmes politiques contemporains comme les autres partis politiques avec lesquels ils sont en concurrence. Ils semblent s’être parfaitement intégrés au système partisan partout en Europe occidentale.

L’hybridation du populisme, rappelle donc le primat du peuple contre les élites en place tout en s’affichant comme seule organisation « authentiquement » représentative au sein des différents systèmes démocratiques des partis politiques. C’est cette particularité qui fonde la possibilité de considérer le populisme comme acteur d’un renouvellement de l’intérieur nécéssaire au système des partis politiques.

En plus d’être intégré au sein des partis, le populisme que nous observons de nos jours est marqué par une durabilité inédite.

Toutefois, un tel renouvellement ne peut s’effectuer sans une durabilité du populisme au coeur du système des partis. Plusieurs systèmes, dont la France avec le poujadisme, ont pu l’observer au cours du XXème siècle.

En plus d’être intégré au sein des partis, le populisme que nous observons de nos jours est marqué par une durabilité inédite.

    La longévité des partis adoptant une ligne populiste, comme force pleine et entière du système politique concerné peut être remise en cause par la structuration de ces mouvements typée par l’organisation autour d’un leader prédominant, souvent charismatique. Le mouvement populiste n’est alors plus un mouvement mais un homme.

Cependant la personnalisation politique semble avant tout liée au système politique démocratique libéral, au système des partis. En France, la Vème République qui a tendance à développer ce culte du chef dans tous les partis politiques du système, l’illustre clairement.

Le mouvement populiste n’est alors plus un mouvement mais un homme.

Là encore, les formations populistes ne paraissent pas si étrangères à leurs concurrentes. Guy Hermet, sociologue politologue et historien français, affirme d’ailleurs que la présence d’un leader, charismatique ou l’appel au peuple ne peuvent permettre de définir le populisme.

Ainsi, peu à peu, dans le système politique français contemporain, les formations populistes ne paraissent pas différentes des autres. Elles acquièrent par ce biais, une garantie de durabilité au sein des partis politiques permettant le renouvellement d’un système de partis délaissé, en proie aux crises de représentativité.

    Cette durabilité inédite interroge sur une définition trop souvent admise du populisme comme un phénomène polarisé et éphémère le plus souvent, resurgissant dans certains moments de crise, mais sous des formes à chaque fois différentes et dans des contextes particuliers.

Cette définition ne semble plus s’appliquer à un populisme contemporain dont la durabilité peut être démontrée tant par son organisation en tout point identique aux partis du système en place depuis des décennies que par sa non polarisation. Le populisme n’est pas rattaché à un extrême du paysage politique.

Il ne se circonscrit pas à un bord politique pouvant, un jour faiblir, mais est intégré dans l’ensemble du paysage des partis politiques.

En effet, depuis l’expansion en Europe de ces nouveaux partis perturbateurs des ordres établis, le populisme contemporain ou des modernes a transformé la topographie sociale protestataire. En se penchant sur l’exemple français on constate qu’il a traduit le délaissement, l’humiliation ressentie par des classes sociales pas nécessairement appauvries face aux concessions à leurs yeux imméritées que leurs gouvernements faisaient aux indigents. Le populisme a, en fait, achevé son parcours de gauche à droite sur le paysage politique. On trouve des partis populistes de gauche  (ex: le Parti du socialisme démocratique ayant fusionné avec Die Linke en Allemagne) comme de droite (ex: Solution grecque, en Grèce).

En conclusion,  le populisme n’est pas de droite et de gauche, mais sa tradition idéologique et historique est celle d’une critique plébéienne et radicalement démocratique, mais ni socialiste ni communiste, des gouvernements.

Cette ultime mutation du populisme renforce sa durabilité car il ne se circonscrit pas à un bord politique pouvant, un jour faiblir, mais est intégré dans l’ensemble du paysage des partis politiques.

L’épuisement de l’État-providence et de la social-démocratie, lié aux dysfonctionnements du système des partis, l’ont transformé en ce qui risque de constituer une composante de longue durée du processus politique européen.

Le populisme ne détruira donc pas le système des partis. Au contraire, il semble capable d’oeuvrer au sein de l’entièreté du paysage des partis politiques pour son renouvellement en faveur du retour au peuple, de la suppression de l’écart et de l’incompréhension grandissante entre gouvernant et gouvernés.

L’auteur

Lucas Perriat