Le militantisme dans la recherche

Science, militantisme, ou les deux ?

Chers lecteurs, nous devons examiner une tendance actuelle. Nous allons évoquer le militantisme dans la recherche en sciences humaines. Pourquoi ce sujet si précis ? Parce que la science donne le ton de la société, parce qu’elle l’infiltre, parce qu’elle forme les pensées de nos enfants, a forgé les nôtres. Elle doit donc permettre aux enfants de construire leur personnalité et non l’inverse. Je veux dire que l’école doit former les cerveaux et donner des bornes à ne pas dépasser à nos enfants. Sauf qu’en réalité l’institution scolaire est construite ou déconstruite par la science. Si elle inculque sa déconstruction à nos enfants, ils ne seront plus construits eux-mêmes, seront perdus car l’horizon des possibles leur sera infini, sans borne, sans limite (ce qui est incompatible avec la vie en société). La science est donc la base d’une société. Pour qu’elle fonctionne convenablement, il faut que la recherche scientifique soit. Nous allons voir qu’en réalité… ce n’est malheureusement pas toujours le cas.

Une recherche militante

La sociologie intersectionnelle. Ou devrait-on dire la recherche en sciences humaines intersectionnelle tant ce courant est répandu. Cela n’a peut-être pas de signification particulière pour certains d’entre vous. Il s’agit d’un courant de recherche qui devient petit à petit hégémonique. Il affirme que toutes les parties minoritaires de la société sont dominées, en pointant du doigt particulièrement « l’homme blanc hétérosexuel cisgenre » dans une novlangue habituelle, parlant je l’imagine à tout un chacun bien entendu. Néanmoins, nous devons préciser que cela veut dire l’homme blanc (critère racial inscrit donc) hétérosexuel (stigmatisation de l’orientation sexuelle) et se définissant comme homme. Que ce soit en histoire, en géographie, en économie, en sociologie, en psychologie etc… le mal de l’histoire, des temps modernes, de l’espace social, des constructions psychologiques viendrait donc de l’homme blanc. Cette sociologie se veut « déconstructrice » des valeurs portées par les sociétés en définissant le patriarcat, le racisme systémique, le privilège blanc également. Malheureusement, ce courant brandit le bouclier « je suis la science, il ne faut donc pas me remettre en question ». Pourtant tout scientifique qui se respecte vous répondra « il n’y a pas de vérité absolue ». J’entendais un professeur d’histoire qui expliquait durant ses cours de travaux dirigés qu’il n’y avait pas de « vérité historique »… le problème est que ces mêmes scientifiques relativistes n’appliquent pas leur doxa à leur propre recherche. Notre angle d’attaque se trouve exactement ici. En effet, la science doit être remise en question pour avancer vers l’infini et au-delà. Tout le problème des sciences humaines actuelles réside ici. Elle refuse d’être remise en question. Tout devient agression lorsque la contradiction arrive. 

Regardons ce qu’explique Eugénie Bastié dans un ouvrage particulièrement important d’après moi, s’intitulant La guerre des idées. Cela va dans notre sens. « Cette hégémonie sans partage est propice au sectarisme. L’incroyable arrogance du professeur au Collège de France (parlant de Pierre Nora ici, professeur d’Histoire au collège de France, la crème de la recherche française) se retrouve chez ses héritiers, toujours prompts à mépriser leurs adversaires à qui ils dénient toute scientificité. Car là est bien toute l’habileté des tenants de la pensée critique : tout en étant ouvertement militants (reprenant le mot d’ordre de Bourdieu « la sociologie est un sport de combat »), ils s’arrogent le monopole de la science, tout en soumettant leur discipline à un objectif idéologique, ils dénient toute légitimité à une autre vision du monde que la leur. ». Ici, elle parlait du fait que les chercheurs en sciences humaines faisant partie de ce courant hégémonique sont méprisants envers ceux qui pensent différemment. Ceci est une constante dans le milieu universitaire. 

Parlons d’une scène du vécu pure et simple. Une autre professeur d’histoire de la Sorbonne nous avait expliqué durant les heures de travaux dirigés que le journalisme était à prendre avec des pincettes pour la simple raison qu’il ne s’agit pas de travaux scientifiques. Il faut avant tout expliquer que dans le cadre d’un travail de recherche au sein d’une université, le travail journalistique n’est pas le mieux placé pour servir de référence bibliographique. Néanmoins cette doctorante ne parlait pas de cela dans une optique scientifique, elle critiquait et effaçait la légitimité du journalisme. Pourtant, cela nécessite un important travail soit de terrain, soit de documentation ou les deux en même temps. Le snobisme de l’intelligentsia scientifique est donc palpable et ne date pas d’aujourd’hui, certes. Mais lorsque cette dernière fait de la science une entreprise militante, cela devient problématique pour la société.

Comme nous le verrons après, les recherches en sciences humaines sont actuellement des mines militantes plus que scientifiques. Le problème est qu’en décrédibilisant les journalistes, ils affirment qu’il ne faut considérer que le propos des chercheurs, ce qui s’avère problématique lorsque ces derniers militent et politisent les recherches (sans parler de la tendance totalitaire clairement exprimée ici). En effet, en invitant à éviter le propos des journalistes, les chercheurs mettent en place une forme de dictature de l’idée. Il faut craindre qu’à terme cette hermétisation de la parole scientifique puisse la mener tout simplement à sa propre perte, puisque sans critique la science n’est plus…

Un manque de remise en question du fait de la mise en place d’une idéologie

Pour revenir aux propos de Madame Bastié, elle avance également ceci : « Pour les intellectuels de la pensée critique, je suis un “essayiste”, dit Marcel Gauchet d’un air rieur, ils croient ainsi me délégitimer. Tout ça vient de Bourdieu qui a créé le vocabulaire de cet univers académique totalement refermé sur lui-même. Bourdieu a été le personnage le plus toxique de la vie intellectuelle en France depuis 1945. Lui-même n’était qu’un militant qui mettait la science au service de ses passions. Il a donné un alibi au repli de l’université sur elle-même dans son ultra spécialisation. ». Je trouve que ceci est la base du problème de la recherche en sciences humaines en France : on met la science au service d’une idéologie. Elle devient biaisée par des tenants extérieurs à la scientificité. Elle est donc fausse puisqu’elle est touchée par des aversions sentimentales. 

Nathalie Heinich, sociologue largement remise en question aujourd’hui par la plupart de ses pairs, vous comprendrez pourquoi, a parfaitement décrit ce phénomène dans son essai Ce que le militantisme fait à la recherche. La philosophe décrit le monde universitaire devenant de plus en plus militant dans ce court ouvrage. Le souci est que ce dernier est censé rester ouvert, car la science ne doit pas servir le militantisme mais doit aider à élargir la connaissance. Lorsqu’on entre dans le militantisme, il ne s’agit pas de la vérité qui est défendue. Si elle devient militante, la science humaine ne construit donc plus de connaissances mais met sur pied des armes politiques, menant donc à la mort de la science. 

Des revues scientifiques comme Philo magazine tirent la sonnette d’alarme sur ce phénomène. Olivier Beaud a accepté une interview dans un numéro de ce titre de presse en novembre 2021. Il y parle de son récent ouvrage dans lequel il développe le concept de liberté académique. Le juriste informe ici d’un premier biais qui consiste en la mainmise de l’administration universitaire sur ses chercheurs. Elle contrôle toutes leurs interventions médiatiques, les interdit si elles « mettent à mal l’image de l’université » par exemple. Dans un autre article, Philosophie Magazine examine l’épineuse question de « l’islamo-gauchisme » que Frédérique Vidal avait remise au goût du jour début 2021. En examinant les cinq piliers de la recherche scientifique, la parution pose un constat que nous devrions faire. La recherche, comme nous l’avons expliqué, doit poser une cloison entre elle-même et le militantisme. Sauf qu’un grand nombre de chercheurs ont pris des positions politiques et cela depuis un grand nombre d’années. Citons Pierre Bourdieu, Michel Foucault, Judith Butler et j’en passe. 

Bien entendu, les chercheurs restent des humains ayant des convictions. S’ils respectent la démarche scientifique et la critique de leurs confrères et consœurs, alors leur militantisme ne pose a priori pas de problème. En revanche, récemment, une tribune publiée dans le Figaro magazine par un collège de scientifiques explique que même cette barrière n’est plus respectée. Du moins, pour eux, une critique dans la recherche d’un pair qui serait du courant majoritaire pourrait s’apparenter à un suicide professionnel. Enfin, ce qui paraît plus problématique pour notre futur concerne les étudiants en master de recherche que ce même article n’épargne pas. En effet, pour Olivier Beaud, le même professeur de Sciences Po Paris interviewé dans cet article, le plus inquiétant résiderait dans le futur. Il déplore qu’il a de plus en plus de mal à faire remarquer la différence entre recherche et militantisme à ses étudiants. Il écrit cela : « Et quand un malheureux prof demande à un étudiant de s’en tenir à l’objectivité scientifique et à la neutralité idéologique dans son travail de fin d’année, n’est-ce pas parce que l’enseignant est un allié de la bourgeoisie dominante et qu’il veut fermer la voie à toute pensée contestataire ? ». Les élèves dénoncent ce que le professeur met lui-même en avant dans ses propres recherches à la seule différence que ce dernier enseigne une « bonne » manière de chercher. Il n’essaie pas de les dominer socialement. Ces futurs chercheurs nous annoncent donc une vérité certaine dans les prochaines années. De plus, l’actualité donne raison à ces constats…

Un milieu décrié par une partie du corps professoral

Tout ceci fait directement écho à l’actualité, quelques semaines après la suspension de Klaus Kinzler de sa fonction de professeur d’allemand à l’IEP de Grenoble. Rappelons rapidement l’affaire. En mars 2021, il avait refusé que dans le nom d’une journée organisée par l’IEP « l’islamophobie » soit inscrite aux côtés des termes « racisme » et « antisémitisme », puisqu’à raison l’islamophobie est une discrimination envers une religion, pas contre des « races » comme le titre l’avançait. A la suite de cela, son nom ainsi que celui d’un de ses collègues avaient été placardés sur les murs de l’école et cela par des étudiants dont nous venons d’expliquer le profil. Quelques mois après l’attentat islamiste contre Samuel Paty, ces placardages étaient mal venus… Il faut savoir également que peu de professeurs de l’école ont soutenu leur collègue. Ils ont préféré dire que M. Kinzler avait tenu des propos « limites », légitimant donc les actes immondes des étudiants. Le principal intéressé explique finalement que ceci est peu déroutant car pour lui la recherche a perdu de son aspect scientifique. Lui, le chercheur de gauche relevant d’un profil type que l’on reconnaît aujourd’hui dans nos universités, accepte d’expliquer que son métier n’a pas la valeur qui lui est attribuée. Le simple fait que ses acolytes habituels ne l’aient pas soutenu donne raison à cet enseignant.

Pour finir sur ce thème épineux, il faut avouer qu’elle ressort des vérités sur notre société. Ce qui est plus problématique, c’est son aspect hégémonique et le fait que ce courant porte des idéologies. Elle tend vers une science militante qui ne met en avant que ce qui l’arrange. Cependant, rien ne sert de dramatiser. Ce phénomène ne concerne absolument pas tous les scientifiques mais plutôt un mouvement. Toutes les disciplines universitaires ne sont pas touchées par le militantisme et il ne faut pas perdre la confiance que nous accordons habituellement à la science. Nonobstant, mettre en lumière ces phénomènes peut permettre d’avancer, tandis que tout passer sous silence ne sert personne.

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Non, le concept de souveraineté n’a aucun sens – Partie II

Ou de l’importance du bien commun dans une société

Cet article est la deuxième partie de ma réponse au très bon podcast d’Emilien et Elodie en compagnie de Paul Melun sur le sujet du souverainisme. Si la lecture de la première partie n’est pas obligatoire pour comprendre cet article, je vous encourage cependant à (re)lire la première partie, puisque de nombreux thèmes développés ici y sont définis. L’analyse avancée ici s’appuie en partie sur l’ouvrage « Souveraineté et Désordre Politique » de Guilhem Golfin, dont je ne peux que vous recommander la lecture. J’ai tout fait pour vulgariser les concepts politiques abordés ici, de manière à ce qu’ils soient à la portée du plus grand nombre.

Maxime Feyssac

La dernière fois nous avions vu pourquoi le principe de souveraineté tel qu’imaginé par Bodin, et le souverainisme moderne de manière générale, était une impasse intellectuelle qui ne nous permettrait pas de sortir de notre crise politique et sociale actuelle. J’avais évoqué brièvement le fait que la pensée souverainiste comme exaltation de l’Etat-Nation (coucou Zemmour) n’était qu’une construction intellectuelle artificielle au service de ce qu’on appelle le matérialisme ; même matérialisme qui est à l’origine de notre perte de repères moraux.

Alors on va partir sur des bases communes : qu’est-ce que le matérialisme ? Le matérialisme est un système philosophique qui soutient non seulement que toute chose est composée de matière mais que, fondamentalement, tout phénomène résulte d’interactions matérielles. En gros : nous ne sommes que des atomes en mouvement dans un univers infini, il n’existe pas de règles morales supérieures, et c’est à l’Homme de se fixer ses propres règles de conduite de vie en société. C’est ce qu’on peut appeler un relativisme moral.

En quoi la théorie de Bodin est-elle au service de ce relativisme moral ? Tout d’abord car il abandonne le principe de bien commun (tel que décrit par Aristote, Saint Thomas d’Aquin ou encore Saint Augustin) qui faisait jusque-là office de règle morale supérieure, d’autorité supérieure à celle des gouvernants, et il se tourne vers une anthropologie individualiste. Au lieu d’une règle morale supérieure qui surplomberait les Hommes, mais aussi leurs gouvernants (que ce soit des Empereurs, des Rois ou des Présidents), il présente une seule règle : la loi du plus fort. Le pouvoir est légitime car il arrive à s’imposer, et non car il suit une ligne morale particulière. Il s’agit là d’une rupture philosophique et civilisationnelle extrême, dont nous ressentons encore les effets aujourd’hui.

Cette conception du pouvoir et de l’autorité alimente donc l’individualisme, soit une vision d’un homme qui serait en permanence à la recherche de son seul intérêt particulier. Et comment se manifeste cet individualisme dans notre conception moderne de la politique (attention flashback des cours de Français de 1 ère ) : à travers la théorie du contrat social, qui stipule que les hommes à l’état de nature ne sont pas sociaux, et ne se sont réunis que par intérêt matériel (vivre à plusieurs est plus confortable que vivre seul) ; c’est notamment la théorie défendue par Jean-Jacques Rousseau. Pour faire simple : nous vivons ensemble seulement car cela nous apporte un bonheur matériel plus grand que vivre seul. C’est un simple calcul d’intérêt. Sauf que cette théorie (qui nous réduit à l’état de consommateurs égoïstes et solitaires) ne s’appuie sur aucun fondement scientifique. Mais alors aucun.

Problème : toute notre pensée politique moderne repose sur le postulat de ce contrat social. Et cette conception va à l’inverse de la conception qu’avaient nos ancêtres de la politique. La politique, pour eux, reposait sur cette idée avancée par Aristote que l’Homme est un animal social et politique par nature, et qu’il ne saurait vivre seul. Il a, et a toujours eu, besoin de ses semblables, sur le plan matériel mais surtout sur le plan moral (chacun recherche le bien, mais ce n’est qu’ensemble que nous pouvons découvrir ce qu’est véritablement le bien, le bien commun, fruit d’un amour commun). C’est ce qu’écrit Saint Augustin dans La Cité de Dieu lorsqu’il définit ce qu’est un peuple : « Un groupe d’êtres raisonnables, unis entre eux parce qu’ils aiment les mêmes choses ». Il faut le voir de cette façon : seul, vous pouvez bien sûr vous approcher du bien ; après tout, ce n’est pas car vous êtes seul que vous êtes un monstre. Mais c’est seulement en découvrant vos semblables et la multitude des qualités de l’Homme que vous pouvez, ensemble, vous approcher du bien commun.

En ce sens, le bien commun, qui parait si dur à définir, n’est rien d’autre que « l’ensemble des choses qui forment une culture commune et qui sont aimées de concert par tous ceux qui participent à cette culture, lorsque celle-ci est droite, c’est-à-dire lorsqu’elle est composée de réalités qui conduisent l’homme à la vertu » (G.Golfin, “Souveraineté et désordre politique”, Les éditions du cerf, 2017).

Mais avec l’individualisme amené par le souverainisme de Bodin, quid du bien commun et du peuple ? L’époque moderne a renoncé à toute forme de bien commun, et donc renoncé à toute forme de communauté naturelle, c’est-à-dire une communauté fondée sur un accord entre les hommes en vertu de leurs tendances naturelles. Ce qui fait notre unité et la légitimité de notre régime, ce n’est que la force du pouvoir en place.

Cependant, la modernité a trouvé une jolie formule pour cacher le fait que la seule loi qui nous gouverne est celle du plus fort. En effet, bien consciente qu’il est impossible de gouverner seulement par la peur, la modernité mobilise la notion « d’intérêt général », qui n’est rien d’autre que la somme des intérêts individuels (et non pas donc un bien commun à tous); une sorte de bien commun version wish, si vous voulez. Comme le montre Hobbes dans Le Léviathan, c’est le seul moyen pour des individus préoccupés seulement par eux-mêmes de tout de même former une communauté. Les hommes, seuls, sont en situation d’insécurité et de danger perpétuel qui les empêchent de réaliser pleinement leur désir, et ils préfèrent se réunir, quitte à devoir abandonner certains de leurs désirs, pour cependant en réaliser la majorité.

Tel est le drame de l’époque moderne. C’est un peu ce que vous dit votre pote relou quand vous vous plaignez des problèmes de la société : « Bah tu vas faire quoi, allez habiter au milieu des bois tout seul ? ». Avec cette conception, il y a une absence de confiance naturelle entre les hommes : l’autre est nécessairement un danger potentiel. Une telle communauté artificielle fondée sur la seule utilité et la peur ne sera jamais un peuple ; car un calcul intéressé ne produira jamais une identité commune, et ne pourra être qu’une simple somme des individualités. Une telle communauté sera toujours fragile, d’où la nécessité d’un souverain fort désigné par Bodin, qui réunit autorité et puissance, pour tenir tout ce petit monde en place. Et si vous pensez que je sur- interprète, Bodin lui-même écrit « les premiers hommes n’avaient point d’honneur et de vertu plus grande que de tuer, massacrer, voler ou asservir les hommes […] la raison naturelle nous conduit à croire que la force et la violence ont donné source et origine aux Républiques ». Bah oui, c’est logique : puisque nous n’avons aucune règle commune naturelle, aucun point commun fondamental, la seule chose qui peut nous faire nous entendre est la force brute (la loi, la police, le gouvernement).

Il est donc normal que Bodin, en voulant former un peuple avec des individus qui n’ont comme souci qu’eux-mêmes, ne voit comme solution qu’un pouvoir fort imposé. Or, nos Anciens nous rappelaient qu’un peuple tyrannisé n’est précisément plus un peuple.

Car c’est bien l’unité du peuple qui est au fondement de toute société. Lorsque cette unité fut menacée par le protestantisme au XVIème siècle, qui divisait les Français entre catholiques et protestants, c’est cette théorie de la souveraineté moderne basée autour du pouvoir autoritaire qui fut trouvée comme solution. Et aujourd’hui, face à la popularisation de l’islam, cette solution est brandie à nouveau. Si cela a fonctionné à l’époque, pourquoi cela ne fonctionnerait pas aujourd’hui ? Très bien, la question vaut la peine d’être étudiée. En réalité si, il y a cinq siècles lors de la crise culturelle liée au protestantisme, l’Etat est au final sorti renforcé de cette crise et que la société française a pu se réunifier, c’est seulement car la population de l’époque conservait les plus grands fondements de la civilisation occidentale, et que le bouleversement des mœurs lié au protestantisme ne s’est donc fait que de matière progressive sur plusieurs siècles. A comprendre : catholiques et protestants, malgré leurs différences, restent des chrétiens occidentaux blancs avec énormément de choses en commun. Il restait un « terreau culturel commun » et c’est cela qui a pu laisser penser que le principe de souveraineté était efficace en soi et qu’il avait été la solution à ce problème.

Mais il faut en fait regarder le problème à l’envers : ce n’est pas la souveraineté qui a permis de créer l’unité du pays, mais au contraire l’unité du pays qui a permis de créer cette même souveraineté. Et cette unité du pays passait par une culture encore largement commune. Au vu de la population française d’aujourd’hui, cette culture commune est beaucoup plus dure à deviner et à définir. Ce n’est pas un hasard si la théorie de la souveraineté moderne a émergé en France, un des royaumes les plus unifiés d’Europe à l’époque. Alors j’ose le dire, aujourd’hui la souveraineté ne pourra pas nous sauver ; un Etat plus fort ne pourra pas nous sauver ; plus de pouvoir aux institutions ne pourra pas nous sauver (d’ailleurs avec toute cette histoire de crise sanitaire, le gouvernement n’a jamais eu autant de pouvoir sur la vie des gens, au nom d’une autorité sanitaire/morale) ; la seule chose qui pourrait nous sauver serait de reconstituer l’unité de notre peuple. Sans cela, nous sommes irrémédiablement condamnés à nous décomposer, et à vivre face à face.

Petite fiche pour résumer : les deux souverainetés

La première souveraineté fait la synthèse entre la foi chrétienne, dans sa distinction entre le temporel et le spirituel, et la conception politique antique, dans sa distinction entre pouvoir et autorité. L’incarnation de cette synthèse est la « doctrina christiana » telle que décrite par Saint Augustin, et elle affirme le besoin d’une autorité morale ultime qui soit un principe d’unification entre les peuples (européens) ; la souveraineté est alors indissociable de l’Empire ou de l’Eglise comme instance suprême. On comprend mieux à présent toute la traduction de catholique : universel. Loin d’opposer les peuples les uns aux autres, la souveraineté les rapproche et les concilie ; c’est ce regroupement sous des principes universels des mœurs qui permet de créer une communauté naturelle et unifiée. Le génie des médiévaux (qui étaient loin d’être idiots et sales comme on aime le faire croire) a été de dissocier cette instance suprême, cette autorité souveraine, de la puissance publique royale. C’est une façon de soumettre le pouvoir à la morale, et donc de le garder en laisse. Le Roi, aussi puissant soit-il, devait respecter des règles morales qui le dépassaient. En réalité, Emmanuel Macron est bien plus arbitraire et puissant que n’importe quel Roi de l’histoire de France.

La deuxième souveraineté est la synthèse de Bodin entre pouvoir et autorité. Il a aboli la distinction entre morale et puissance publique, en soumettant la morale à la puissance ; le pouvoir est bon car il est fort. Chez Bodin, ce pouvoir se nomme le Prince, mais on pourrait aujourd’hui le nommer Vème République. La faiblesse de cette théorie est de prétendre que l’unité politique ne relève que de la seule soumission au pouvoir. En gros, parce que l’Etat arrive à s’imposer, il est habilité à le faire. Et ça s’appelle comment ça les amis ? Une tautologie.

Vous l’aurez compris, le problème de la souveraineté moderne est qu’elle découle d’une rupture relativiste et matérialiste (je sais ça fait beaucoup de mots) avec les principes mêmes du politique tels qu’énoncés par les Grecs, les Romains, puis les juristes chrétiens. Comment régler ça ? Comment rétablir l’unité du peuple ? Comment revenir à une communauté politique naturelle ? Comment rétablir la confiance entre les hommes autrement que par la loi arbitraire ? Eh bien, comme moi, vous allez devoir vous démerder, car je n’ai toujours pas trouvé la réponse à ces questions.

Cartographie et positionnement des candidats à la présidentielle

Skopeo vous propose une analyse cartographiée et inédite des positions des candidats à l’élection présidentielle de 2022.

Les candidats sur l’axe droite/gauche

Les candidats sur l’axe collectivisme/libéralisme et progressisme/conservatisme

Les candidats sur l’axe Européiste/Souverainiste

Les lieux de naissance des candidats

Zemmour contre Mélenchon : un duel d’idéologues

Le danger premier de la France se situe-t-il dans la guerre civile ou dans le changement climatique ?

Le jeudi 23 septembre dernier, l’une des principales chaînes d’information en continu a diffusé un débat entre deux personnalités aussi clivantes que bruyantes : Eric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon. L’un ne cesse de gagner en popularité dans les sondages pour la présidentielle de 2022, alors même qu’il n’a pas officialisé sa candidature, l’autre ne peut s’empêcher de répéter qu’il est candidat à la présidence de la République, en bon cavalier seul. Il y aurait de nombreux éléments à relever de ce débat animé entre des hommes si opposés, mais un point profond de désaccord ressort particulièrement de ce dialogue : celui du premier danger qui menace la France.

Lucas Da Silva

Dans les dernières minutes de ce long débat, Eric Zemmour résume parfaitement la profonde différence qui le sépare de Jean-Luc Mélenchon, toujours avec sa tranchante touche de sarcasme : « En vérité, nous avons un désaccord de fond sur ce qu’est le danger. Lui, il veut sauver la planète. Moi, je suis beaucoup plus modeste que lui, je veux uniquement sauver la France, et c’est déjà beaucoup. ».

Ce à quoi le chef de la France insoumise s’accorde : « Il a résumé notre différend. Moi, mon but, mon orientation philosophique, tout le monde la connaît, je suis un républicain issu des Lumières et mon objectif – conformément à cette vision du monde – est l’harmonie des êtres humains entre eux et avec la nature. »

Tentons maintenant d’y voir plus clair, de chercher à comprendre si ces deux dangers à tendance apocalyptique agités par les deux hommes reposent sur le réel, et d’estimer la part de scientificité de ces deux théories reprises à des fins politiques.

La menace de la guerre civile en France : rêve ou réalité ?

Comme on l’entend, particulièrement chez la gauche – à commencer par Mélenchon qui a désigné Zemmour lors du débat comme « un danger pour notre pays » – ce serait l’extrême-droite qui attiserait la haine contre la population d’origine étrangère et/ou de confession musulmane, et qui provoquerait donc le risque de guerre civile en France. On peut citer de la même façon Arnaud Montebourg qui, très récemment, affirmait que le discours de Zemmour envers les musulmans était « facteur de guerre civile », tout en faisant le parallèle historique (et douteux) avec les juifs à qui on faisait porter l’étoile jaune. Enfin, on peut relever cette tribune de Frédéric Salat-Baroux, ancien secrétaire général de la présidence de la République, dans les colonnes du Monde, qui dépeint Zemmour comme un simple raciste et qui fait une nouvelle fois le rapprochement entre le musulman et le juif d’autrefois, tout en expliquant que ce serait le polémiste d’extrême-droite qui « crée(rait) » le risque de guerre civile.

On en revient donc à l’éternel paradoxe de l’œuf et de la poule ; qui est apparu en premier : le risque de guerre civile en France, sur lequel Zemmour ne serait qu’un lanceur d’alerte ? Ou bien le discours empli d’idéologie de Zemmour, qui créerait les conditions d’une guerre civile dans notre pays ?

Qui est apparu en premier : le risque de guerre civile en France, sur lequel Zemmour ne serait qu’un lanceur d’alerte ? Ou bien le discours empli d’idéologie de Zemmour, qui créerait les conditions d’une guerre civile dans notre pays ?

Commençons donc par examiner l’idéologie, le discours et la véritable obsession d’Eric Zemmour. Pour l’essayiste français, notre nation française serait en grave danger – voire en voie de disparition – à cause de l’immigration arabo-musulmane qui provient d’une civilisation « hostile » à la civilisation chrétienne (dont la France est issue selon lui). 

Aussi, il convient de comprendre pourquoi Zemmour estime que l’islam représente un si grand danger pour la cohésion de notre pays. Au cours du débat, quand Mélenchon soutient que la religion relève de la sphère privée, le polémiste lui rétorque que cette vision est en accord avec les valeurs de la République française mais que c’est exactement la logique inverse qui présiderait au sein de la religion musulmane. Selon lui, « l’islam est une religion politique par essence », c’est « une religion qui est un Code civil » qui entrerait en concurrence avec celui de la France, elle ne s’occuperait pas uniquement de l’intériorité des fidèles mais aussi des normes sociales et politiques du pays. Zemmour résume sa pensée en ces termes : « l’islam est tout à fait aux antipodes de la France ».

Enfin, quand Mélenchon l’accuse de pousser à la guerre civile, Zemmour se défend en prenant comme preuves de son discours les assassinats islamistes du professeur Samuel Paty ou d’une fonctionnaire de police qui ont eu lieu récemment en France. Il explique ainsi que ces faits montrent la menace de la guerre civile qui prendrait forme progressivement, et qu’il faudrait donc adopter des mesures drastiques pour l’éviter.

Alors, qu’en est-il réellement ? De quelle façon le réel s’accorde-t-il avec l’idéologie d’Eric Zemmour ? D’abord, même si certains sont bien plus prompts à dénoncer les discours « d’extrême-droite » que les faits qui ont lieu dans notre pays, il convient de rappeler que ce risque de guerre civile n’est pas uniquement brandi par des personnalités qui souhaiteraient « attiser la haine ». Souvenons-nous ici des terribles paroles de Gérard Collomb (longtemps cadre du Parti socialiste), au moment où il s’est retiré de ses fonctions de ministre de l’Intérieur : « Aujourd’hui, on vit côte à côte, et je crains que demain on vive face à face. ». Quelques jours plus tard, l’ancien premier flic de France dévoilait à nouveau ses inquiétudes sur l’état de la France chez Valeurs Actuelles, insistant sur le fait que « les gens ne veulent pas vivre ensemble », pointant du doigt l’ « énorme » part de responsabilité de l’immigration et se montrant plus pessimiste que jamais : « C’est difficile à estimer, mais je dirais que, d’ici à cinq ans, la situation pourrait devenir irréversible. Oui, on a cinq, six ans, pour éviter le pire. ». Même l’ancien président de la République socialiste, François Hollande, tenait des propos similaires sur les risques de sécession de certains territoires dans Un président ne devrait pas dire ça (2016) : « Comment peut-on éviter la partition ? Car c’est quand même ça qui est en train de se produire : la partition. »

L’ensemble de notre classe politique et médiatique aurait tort de stigmatiser ces discours d’alerte en les catégorisant simplement de propos de haine et d’extrême-droite.

Nous le voyons bien, ni Zemmour, ni l’extrême-droite n’ont le monopole de ce discours et le risque de « guerre civile » (ou, du moins, de cohabitation impossible entre différentes communautés au sein du territoire) n’est effectivement pas à prendre à la légère, d’autant plus lorsque des personnalités ayant tenu de grandes responsabilités politiques s’en inquiètent également. Pensons enfin à ces tribunes de militaires français et de soldats en service (courant avril/mai 2021) qui avaient pour objectif d’alerter sur la violence croissante dans notre pays, sur le « communautarisme (qui) s’installe dans l’espace public », sur « la haine de la France » et sur les risques d’effondrement, d’insurrection et une nouvelle fois de « guerre civile ».

Enfin, à moins d’être devin, il est impossible de prédire qu’une guerre civile surviendra bel et bien en France. Pour autant, l’ensemble de notre classe politique et médiatique aurait tort de stigmatiser ces discours d’alerte en les catégorisant simplement de propos de haine et d’extrême-droite. Il y a des réalités et des faits à prendre en considération, il y a des signaux d’alarme effectivement préoccupants concernant la cohésion nationale de notre pays, il y a une violence islamiste toujours plus barbare à l’égard de la population française… Personne ne pourra le nier en toute franchise. 

Le changement climatique : la mère des batailles ?

Désormais, passons à la première préoccupation de Jean-Luc Mélenchon : celle du dérèglement climatique, qu’il intègre à sa chère thématique de la justice sociale. Reconnaissons avant tout que c’est un danger sur lequel (presque) tout le monde s’accorde, qui n’est plus sujet à débat chez les gens de bonne foi et qu’il apparaît donc moins risqué d’en faire la base de son programme politique. Depuis quelques années, Mélenchon semble vouloir tirer profit de ce thème de plus en plus en vogue et, même s’il ne s’agit pas ici de remettre en cause son honnêteté, il est évident que faire de cet enjeu l’une de ses priorités politiques ne peut lui être que bénéfique d’un point de vue électoral.

Lorsque que le chef de la France insoumise dévoile ses objectifs politiques, il prône une vision d’ensemble notamment par la mise en oeuvre d’un « protectionnisme écologique, c’est-à-dire : tout ce qui est produit dans des conditions inacceptables par la France – par exemple des produits pourris au glyphosate – ça ne rentre plus en France. », d’une « souveraineté alimentaire » pour la production de nos biens agricoles, et d’un modèle de « planification écologique »… Ainsi, en reprenant les termes connotés de protectionnisme, de souveraineté ou de planification, l’on réalise que Jean-Luc Mélenchon intègre très largement sa volonté de lutte contre le changement climatique dans une vision économique proche des idéologies classiques de gauche. Cela lui permet de s’attaquer par la même occasion à la vision contre laquelle il se bat depuis toujours : celle du libéralisme économique et celle de la « croissance sans fin » qui ne tiendrait pas compte des ressources de la planète…

De l’autre côté, Eric Zemmour assume sans sourciller que sa priorité est loin d’être celle de la réduction de nos gaz à effet de serre, tout en remarquant qu’il existerait encore des « débats » parmi la communauté scientifique sur le sujet du réchauffement climatique. Sur ce point, Mélenchon a raison de rappeler qu’il y a 15 000 scientifiques qui ont alerté la population mondiale sur l’état de l’environnement il y a quelques années, sans parler des fréquents rapports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), dont le dernier en date a été publié en août dernier, qui ne cessent de nous mettre en garde sur la réalité du réchauffement climatique. 

Ainsi, si Zemmour ne parle pas de ses fameux sujets de prédilection, son logiciel idéologique tourne court et il ne semble pas disposé à prendre à bras le corps cet urgentissime défi qui est celui du dérèglement climatique. De son côté, Mélenchon a au moins le mérite d’en faire l’une de ses grandes priorités, mais de quelle manière ?

Vouloir lutter contre la dégradation du climat, c’est bien, le faire efficacement en sortant des peurs irrationnelles, c’est mieux.

On arrive désormais à l’un des grands angles morts de la France insoumise, et même d’une bonne partie de la gauche radicale d’aujourd’hui. Vouloir lutter contre la dégradation du climat, c’est bien, le faire efficacement en sortant des peurs irrationnelles, c’est mieux. Comme le rappelle parfaitement Zemmour au cours du débat, le fait que notre énergie électrique provienne majoritairement du nucléaire nous octroie une place de prestige parmi les meilleurs élèves d’Europe en ce qui concerne l’émission de CO2. Cela ne semble pas suffire à Mélenchon et à sa famille politique pour soutenir l’énergie nucléaire, il souhaite en sortir le plus vite possible et agite les pires peurs (de la même façon que Zemmour sur le sujet de l’immigration) en citant fréquemment les catastrophes de Tchernobyl ou de Fukushima. Il va jusqu’à prendre l’exemple de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine à proximité de Paris en évoquant la terrible hypothèse d’un accident qui obligerait le déplacement de millions d’habitants de la région parisienne… Drôle de façon de lutter contre le réchauffement climatique et de vouloir se ranger du côté de la science, au moment même où toutes les grandes puissances investissent massivement dans le nucléaire. 

Alors oui, la transition écologique et énergétique est l’un (voire le) plus grand défi de la France et de l’humanité au XXIe siècle. Mélenchon a tout à fait raison de s’en préoccuper autant, c’est indéniable. Mais encore faut-il s’y attaquer de la bonne façon et ses craintes irraisonnées sur le nucléaire, parmi d’autres angles morts, font parfois de lui un candidat peu crédible à la lutte nécessaire contre le changement climatique.

Conclusion

Chacun aura eu son propre cheval de bataille lors de ce long débat. Lors de leurs derniers échanges, les deux hommes campent sur leur position : Zemmour répète qu’il craint la « libanisation » de la France avec plus de désordre et plus de violence, ainsi que le « remplacement du peuple français par un autre peuple » ; Mélenchon réitère sa préoccupation par rapport au « défi absolument immense » du dérèglement climatique : « en 2050, si on ne fait rien, la Camargue, le Marais poitevin, Dunkerque et Bordeaux seront sous l’eau ». En définitive, chacun insiste sur ses propres obsessions, chacun fait preuve d’une bonne dose d’œillères dans la résolution des défis qui les inquiètent, chacun tire son discours d’une certaine réalité (scientifique ou non). Mais, au sortir de ce débat, il est aisé de remarquer que le point commun entre Zemmour et Mélenchon réside dans la tenue d’un discours apocalyptique empli d’idéologie.

Les recommandations lecture #2

Les recommandations de Pierre Vitali

L’extinction de l’Homme. Le projet fou des antispécistes

Auteur : Paul Sugy

Prix : 17,90€

Nombre de pages : 208

Ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure et diplômé de Sciences Po Paris, Paul Sugy est journaliste au Figaro et déconstruit dans son livre, les ressorts d’une dérive inquiétante des mouvements antispécistes, qui bouleversent notre rapport à l’humanité. 

Prenant au sérieux l’ensemble des projets des activistes antispécistes, passés du stade de la réflexion au stade de la politique, l’auteur nous alerte sur un véritable sujet de société. Ce livre parle avec justesse d’une révolution politique en cours, qu’il convient de comprendre, car plus qu’une affaire de steak ou de bien-être animal, il s’agit d’une véritable question anthropologique.

Pourquoi Viktor Orban joue et gagne. Résurgence de l’Europe centrale

Auteur : Thibaud Gibelin

Prix : 20€

Nombre de pages : 243

Diplômé d’histoire et de science politique, Thibaud Gibelin prépare sa thèse entre Paris et Budapest. Dans cet essai percutant, l’auteur présente le sulfureux personnage Viktor Orban pour tenter de mieux comprendre notre époque. En décrivant la pensée politique du chef d’État hongrois, en la resituant dans les bouleversements géopolitiques et civilisationnels en cours dans l’Europe de Visegrad, l’auteur présente sans reproche les changements de notre temps. 

Face au retour des réalités et aux nombreux défis qui menacent nos démocraties libérales, se pencher sur ceux qui pensent un modèle illibéral en Europe est intéressant et même fondamental pour comprendre les mouvements contemporains. Celui qui considérait en 2018 avoir reçu “un nouveau mandat pour bâtir une nouvelle époque” après le plébiscite électoral du Fidesz, aura nul doute influé sur l’Europe. Reste désormais à savoir s’il s’agit d’une micro réaction alternative ou d’un mouvement plus global de retour aux Nations.

Les recommandations d’Emilien Pouchin

La fabrique du crétin digital. Les dangers des écrans pour nos enfants

Auteur : Michel Desmurget

Prix : 8,90€

Nombre de pages : 576

Nous nous en rendons tous compte, le temps passé devant les écrans, surtout par la jeune génération, est astronomique. Docteur en neurosciences, Michel Desmurget compile des centaines d’études scientifiques pour en observer les effets. Le constat est alarmant. Dans un premier temps, il met en avant le poids des lobbys (de la télévision, des jeux vidéos, etc.) qui, à rebours de toutes les études sérieuses, minimisent ou nient les effets des écrans pour inciter à une surconsommation. Puis, dans la seconde partie, l’auteur expose avec clarté tous les effets que ces nouvelles technologies ont sur notre cerveau et notre corps, qui n’a, au cours de son évolution, jamais été confronté à ce genre de menace. Troubles du comportement, du sommeil, obésité, perte de concentration, appauvrissement du langage et de l’imagination, etc. Les effets sont destructeurs et ce, au moment où certains promeuvent l’idée d’intégrer davantage les écrans à l’école… 

Ce que nous faisons subir à nos enfants est inexcusable. Jamais sans doute, dans l’histoire de l’humanité, une telle expérience de décérébration n’avait été conduite à aussi grande échelle”

Le déclin du courage

Auteur : Alexandre Soljenitsyne

Prix : 9,90€

Nombre de pages : 72

Ce livre est le texte du discours prononcé par Soljenitsyne à Harvard en 1978. Alors que tout son auditoire s’attendait à ce qu’il vienne raconter les horreurs qu’il a vécues au sein d’une société communiste, Soljenitsyne a en fait adressé de sévères critiques sur le modèle américain et occidental, qu’il savait voué à se répandre dans le monde. Evidemment, il ne promeut pas le communisme, mais il fustige toutefois la société libérale, qu’il tient en contre-modèle. Celle-ci empêche l’émergence des grands hommes, délaisse la morale, regarde sa population s’endormir dans l’opulence et le bien-être matériel le plus total, érige la liberté de la presse comme liberté fondamentale, au point de mettre en danger l’Etat et la population… Tant et tant de constats qui en font selon lui une société contraire à l’émancipation et à l’anthropologie humaine. Quarante ans après, il semblerait que ces critiques soient plus que jamais d’actualité.

“Quand la vie est tout entière tissée de relations légalistes, il s’en dégage une atmosphère de médiocrité spirituelle qui paralyse les élans les plus nobles de l’homme.”

Les recommandations de Lucas Da Silva

Voyage au bout de la nuit

Auteur : Louis-Ferdinand Céline

Prix : 10,30€

Nombre de pages : 606

Un incontournable de la littérature française qui vaut assurément le temps de s’y plonger. Si le style si particulier de Céline parvient à vous toucher au plus profond de vous, et si vous entrez entièrement dans l’esprit du narrateur Ferdinand Bardamu (qui est en fait le double de Céline), vous ne ressortirez pas indemne de cette lecture si bouleversante.

Avec ce chef-d’œuvre littéraire, nous nous introduisons intimement dans la vie d’un personnage qui fait face à toutes les horreurs et tous les évènements les plus tragiques de la première partie du XXe siècle : à commencer par la « boucherie » de la Première Guerre mondiale et l’inhumanité de la colonisation européenne en Afrique. Le narrateur erre ensuite dans la société consumériste américaine où il souffre de désillusions et de travail à la chaîne, et finit par retourner en France où il cherchera à trouver un sens à sa vie pleine de désespoir. 

Lisez Céline pour connaître un aperçu de ce que pouvait être la vie d’un homme il y a seulement un siècle. Lisez Céline pour baigner dans l’argot et la langue française parlée du début du XXe siècle. Lisez Céline pour bousculer votre vision de l’humanité. 

L’art d’être français

Auteur : Michel Onfray

Prix : 22€

Nombre de pages : 389

Il est difficile de suivre le rythme effréné de parutions littéraires de Michel Onfray et pourtant la quantité n’empêche pas la qualité avec lui, bien au contraire. L’art d’être français en est une nouvelle preuve.

Le philosophe français, en sortant d’une conférence où il fut interpellé par plusieurs jeunes gens qui lui ont témoigné leur soif de savoir et lui ont demandé des conseils de lecture, a eu le désir ici de transmettre des valeurs, des vertus et des connaissances à la nouvelle génération pour qu’elle puisse trouver sa place dans « ce monde qui part à la dérive ». 

Il débute son livre par une explication passionnante sur ce qui constitue selon lui l’esprit français, et sélectionne quelques grands noms de l’histoire de la pensée française qui ont tous, chacun à leur façon, contribué à l’affirmation de notre particularité nationale : Montaigne, Rabelais, René Descartes, Voltaire, Marivaux et Victor Hugo. Il réalise ensuite un état des lieux de notre époque troublée en jetant un regard très critique envers – entre autres – le néo-féminisme, le décolonialisme, l’antifascisme ou encore l’infantilisation et la déresponsabilisation des citoyens.

Un ouvrage à lire absolument pour mieux comprendre le déclin de notre civilisation. 

Les recommandations de Lucas Perriat

Les identités meurtrières

Auteur : Amin Maalouf

Prix : 6,70€

Nombre de pages : 189

L’écrivain fanco-libanais Amin Maalouf, lauréat du prix Goncourt et membre de l’Académie française, questionne la notion d’identité tout au long de cet essai qui lui a valu le prix européen de l’essai Charles Veillon en 1999.

Si ce sujet de fond est, certes, complexe et présente de multiples facettes dont il est difficile de définir avec justesse les contours, cet auteur exceptionnel nous propose 189 pages tout à fait abordables, à la portée de chacun.

Se refusant à la définition classique, simpliste de l’identité, Amin Maalouf se lance dans un large questionnement. Cherchant à saisir la multiplicité de la notion d’identité et son impact, il s’attèle à force d’exemples et d’explications brillantes par leur clarté, à afficher l’identité comme une somme d’appartenances constituant une richesse pour chaque individu.

Loin de se cantonner à cette première tâche, l’essayiste aborde la notion d’influence et d’appartenance qui en découle directement mais aussi les impacts, les effets qu’ont les identités lorsqu’elles entrent en interaction.

La notion d’identité est, et sera toujours un pilier central de l’Histoire de l’humanité. Il est, par conséquent, indispensable de saisir la complexité et les enjeux qu’elle implique afin de s’éloigner des définitions classiques, floues et simplistes et d’aborder notre Histoire et notre actualité avec un regard éclairé.

Propaganda. Comment manipuler l’opinion en démocratie

Auteur : Edward Bernays

Prix : 12€

Nombre de pages :141

Et si je vous disais que la propagande politique au XXème siècle n’est pas fille des régimes totalitaires mais née au sein de la grande Amérique démocratique et libérale ?

C’est ce que démontre en 1928, Edward Bernays, l’un des principaux fondateurs et théoriciens du marketing, neveu de Sigmund Freud. 

Bernays vous fait découvrir, dans Propaganda, en détail et à force d’exemples historiques comment les quelques hommes à la tête des sociétés démocratiques ont amené et amènent l’ensemble de la masse à partager leurs vues en s’inspirant des méthodes de la publicité et du divertissement pour ériger une véritable “fabrique du consentement”.

Cet ouvrage déconcerte par le cynisme et la franchise dont il fait preuve en exposant clairement l’émergence et le développement des grands principes de manipulation mentale des masses. 

Comprenez bien qu’il ne s’agit en aucun cas d’une critique des méthodes d’influence dirigées vers le peuple mais bien d’un guide cherchant même à améliorer et systématiser ces méthodes.

Les recommandations d’Etienne Le Reun

« Il faut s’adapter », sur un nouvel impératif politique

Auteur : Barbara Stiegler

Prix : 22€

Nombre de pages : 284

Dans cet essai très riche et dense, Barbara Stiegler se penche sur les liens qui unissent la construction du mouvement “néolibéral” et la doctrine évolutionniste post-darwinienne. 

En plongeant au cœur des débats idéologiques qui, dès 1930, ont secoué le paysage intellectuel et politique occidental en partant des Etats-Unis, l’auteur met en lumière le caractère de ce “nouveau” libéralisme qui, ayant appris de ses erreurs, accepte de muter vers une nouvelle matrice idéologique ; matrice qui aujourd’hui – à bien des égards – gouverne l’économie et la vie politique occidentale. 

S’adapter, toujours, changer plus vite, et si cela n’est pas possible, orienter toute l’action publique vers l’adaptation des populations, faire de la politique un moyen d’action sur l’homme pour le réadapter à un environnement toujours plus changeant, voilà en quelques mots ce que vous trouverez dans cet essai qui retrace la généalogie et met à plat ce fameux « néolibéralisme ». 

Les recommandations de Domitille Viel

« Histoire secrète de la droite française »

Auteurs : Gérard Davet et Fabrice Lhomme

Prix : 15 €

Nombre de pages : 784

Pour changer des essais théoriques, je vous propose une plongée dans la crasse du bassement politique avec Gérard Davet, Fabrice Lhomme, et leur guide Jérôme Lavrieux.

Si leurs noms ont une telle importance, c’est qu’il faut les garder en mémoire tout au long de la lecture. Ce ne sont pas les noms les plus connus du bouquin, mais c’est par leur prisme que l’on observe les affaires politiques ; et il serait malvenu de ne pas prendre le recul nécessaire face à tant d’histoires croustillantes.

Si les crasses politiques, attaques personnelles, perverses magouilles et autres détournements de fonds font s’agiter les médias à chaque affaire, on a souvent du mal à les lier entre elles, à comprendre les rôles de chacun et les implications subtiles. Mettre les mains dans le cambouillis de la politique, c’est mieux comprendre le pourquoi des désillusions, le comment des actuelles fractures. Alors même si la lecture ne développe pas l’esprit de la noble politique, elle peut s’avérer très fructueuse ; parce que pour comprendre la politique, il faut connaître l’histoire, mais surtout les histoires personnelles.

« L’égalité, un fantasme français »

Auteur : Michel de Rosen

Prix : 18,90 €

Nombre de pages : 288

« Egalité » ; le mot est dans toutes les bouches, déclaré comme objectif de chaque mesure , affiché sur tous les frontons de nos mairies. Alors que les mots « liberté » et « fraternité » reviennent régulièrement dans les devises nationales, la France est le seul pays au monde à y inscrire « égalité ».

Pourtant, les Français se plaignent davantage des inégalités que les citoyens américains par exemple. En fait, les Français ont une peur bleue des inégalités, qui va souvent jusqu’à déformer leur vision des réalités économiques. D’où vient ce paradoxe ? L’égalité peut-elle être réalisée ? La recette française est-elle la bonne pour l’atteindre ? Comment redonner un nouveau souffle à la recherche de la justice sociale ? Comment expliquer que les Français ont un tel sentiment d’injustice ? Cet ouvrage apporte des réponses passionnantes à ces questions, parfois dérangeantes, souvent intrigantes.

Une chose est sûre, c’est que malgré le titre, l’auteur, même si très loin du socialisme, ne rejette pas l’égalité : il apporte une perspective plus libérale à sa recherche. Une perspective enrichissante, qui nous rappelle que la gauche n’a pas toujours le monopole de la justice sociale.

L’impact du confinement sur les addictions des Français

Maxime Feyssac

Aujourd’hui, Skopeo est fier de vous présenter sa première enquête sociologique, sous la forme d’un sondage. Bien sûr, vous connaissez le refrain : « l’opinion publique n’existe pas » nous disait Pierre Bourdieu. Alors, avant de commencer, soyons clair : cette enquête, basée sur les témoignages de 426 personnes, n’a pas pour vocation d’établir un sondage exhaustif et exact de la situation actuelle. Son but n’est pas d’établir des vérités universelles. Cependant, il pourra nous aider à comprendre les grandes tendances traversant le public, et à mieux appréhender les phénomènes sociaux propres au confinement. 426 personnes, ce ne sont pas 67 millions de Français, mais elles permettent quand même de se faire une idée de la réalité. Par ailleurs, l’étude a été menée en adoptant la forme d’un questionnaire en ligne, posté sur Facebook et Instagram, sous le format Google Form. Il faut donc prendre en compte les biais inhérents à ces réseaux sociaux, surtout le fait que l’audience ayant répondu était plutôt jeune en moyenne (entre 16 et 30 ans pour la plupart). A vrai dire, cette enquête aurait presque pu s’appeler « l’impact du confinement sur les addictions des étudiants », tant ils représentent une majorité de témoignages. Dans un contexte de détresse étudiante, provoquée par les tergiversations du gouvernement en pleine crise sanitaire, nous pensons qu’il est important de partager cette étude avec vous. Mais sans plus d’introduction, commençons.

Pourquoi étudier les effets du confinement sur les addictions des Français ?

Tout d’abord, car les Français semblent être assez friands des drogues de manière générale. Rappelons que selon l’OFDT (Observatoire français des drogues et des toxicomanies), le terme de drogue « recouvre l’ensemble des produits psychoactifs dont la consommation perturbe le système nerveux central en modifiant les états de conscience. » Le degré de légalité d’une substance ne détermine donc pas son appartenance ou non à la catégorie « drogue ». L’alcool est une drogue, le tabac est une drogue, le café est une drogue, etc. Or, selon les derniers chiffres publiés dans le rapport 2019 de l’OFDT, l’alcool et le tabac demeurent les drogues les plus consommées par les Français. 27% des adultes fument tous les jours et 10% boivent quotidiennement de l’alcool. La France reste donc devant la plupart des pays européens dans ce domaine (33% de fumeurs quotidiens parmi les 15 ans et plus, 24% en moyenne au niveau européen, en 2017). Enfin, en termes de consommation de marijuana, la France est en tête des pays de l’UE : le cannabis est la drogue illicite la plus consommée en France puisqu’on observe 1,4 millions de consommateurs réguliers. Chez les 15-16 ans en France, 17% sont des consommateurs de cannabis, la moyenne étant de 7% en Europe. A l’âge de 16 ans, les jeunes Français sont donc les premiers consommateurs d’Europe. Or, on pourrait penser, comme c’est le cas de nombreuses personnes, qu’avec l’arrêt des événements festifs, qu’avec la fermeture des lieux de sociabilité comme les bars, boites et restaurants, cette consommation de tabac, alcool et cannabis aurait baissé.   

Mais c’est là qu’intervient notre deuxième constat : il n’a pas été prouvé que l’isolement réduit la consommation de drogues et les addictions. Au contraire, de nombreuses études prouvent l’inverse. Ainsi, dès 1978, le psychologue canadien Bruce K. Alexander a mené une expérience qui allait révolutionner la façon dont nous comprenons les addictions. Cette expérience nommée « Rat Park » a abouti à la principale percée de l’époque dans ce domaine : le lien sous-jacent entre l’environnement d’une personne et ses addictions. L’expérience Rat Park visait à prouver que la psychologie était la principale cause de l’addiction, et non la drogue elle-même. Avant l’expérience d’Alexander, les études de dépendance utilisant des rats de laboratoire ne modifiaient pas l’environnement du rat. Les scientifiques plaçaient les rats seuls dans de minuscules cages isolées, appelées « Skinner boxes » et les affamaient pendant des heures. Les rats pouvaient choisir de s’injecter diverses drogues en poussant un levier dans la cage. En général, les rats appuyaient sur le levier jusqu’à l’overdose. Les études ont donc conclu que les drogues provoquaient une dépendance irrésistible à cause de leurs propriétés spécifiques. Cependant, les rats sont, comme les humains, des créatures sociales par nature qui se développent au contact et en communication avec d’autres congénères. Mettre un rat en isolement produit le même effet que pour un humain. Si les prisonniers en isolement avaient la possibilité de prendre des narcotiques abrutissants, ils le feraient probablement.  Alexander a donc construit « un parc à rats » avec des jeux, beaucoup de nourriture et un espace pour s’accoupler, et 16 à 20 rats des deux sexes se mêlant les uns aux autres. Cependant, les rats avaient toujours la possibilité d’activer un levier pour recevoir de la drogue. Les scientifiques ont constaté que les rats de Rat Park ingéraient des doses de drogues 19 fois moins importantes que ceux des Skinner Boxes. Même les rats enfermés dans des Skinner Boxes pendant 57 jours se sont sevrés naturellement à Rat Park. Peu importe ce qu’ils ont essayé, Alexander et son équipe n’ont jamais produit ce qui ressemblerait à une dépendance chez les rats hébergés à Rat Park. Sur la base de l’étude, l’équipe a conclu que les drogues seules ne provoquent pas d’addiction. Au contraire, l’environnement d’une personne alimente une dépendance. Des sentiments d’isolement, de solitude, de désespoir et de manque de contrôle, fondés sur des conditions de vie insatisfaisantes, rendent une personne dépendante des substances. Dans des conditions de vie normales, les gens peuvent résister à l’addiction aux drogues et à l’alcool.  

Vous commencez à comprendre où nous voulons en venir : à l’image des sujets d’Alexander, les Français ont-ils vu leur environnement (l’isolement lié au confinement) avoir un impact négatif sur leurs addictions ? Ou plus simplement : dans quelle mesure la politique d’un confinement généralisé a-t-elle pu influer sur les addictions des Français ? L’étude se concentre d’abord sur les consommations d’alcool, de tabac et de cannabis des Français, et leur évolution, avant d’évoquer d’autres types d’addiction affectés par le confinement dont nous ont parlés les enquêtés.  

I – L’impact de l’arrêt des festivités sur les consommations d’alcool, de tabac et de cannabis

A- Une consommation d’alcool qui baisse de manière générale

Plus de la moitié des sondés admettent que leur consommation d’alcool baisse au moins légèrement (56,6% des enquêtés). Les personnes en question reconnaissent d’ailleurs cette baisse, et la justifient de la manière suivante (tous les commentaires sont retranscrits sans aucune modification ou corrections orthographiques, dans un souci d’authenticité) : 

« Passage d’une consommation abusive (soirée) à une consommation plus de plaisir (bière ou verre de vin en mangeant). » 

« J’ai tendance à moins boire puisque je ne change pas de lieu/ d’ambiance et d’entourage » 

« Une consommation plus ponctuelle avec des alcools et vins de qualité » 

« L’intensité des prises diminue (moins bourré) mais la fréquence augmente (apéro avec quelques bières tous les soirs) » 

 « Je buvais régulièrement même avant le confinement, et pendant celui-ci je consommais moins de quantité mais en consommais plus souvent. » 

« Il y a moins de d’excuse sociale pour boire un verre mais je suis chez mes parents et ils boivent du vin tout les jours alors je prend presque un verre par jour + apéro le week end » 

Plusieurs choses ressortent : tout d’abord, si les Français reconnaissent une baisse de leur consommation d’alcool, beaucoup indiquent que cette consommation n’a pas disparu pour autant, mais a pris une autre forme (la qualité et la régularité prenant le pas sur la quantité d’alcool consommée). Ainsi, si l’alcool reste la drogue la moins consommée du confinement, 12,9% indiquent que leur consommation n’a pas changé, tandis que 25,1% confessent que leur consommation a augmenté, au moins légèrement. Si la prise d’alcool en grande quantité a donc bien baissé, l’alcool semble trop ancré dans les habitudes, et peut-être dans la culture française pour disparaître (ce qui semble être confirmé par le fait que peu de gens indiquent qu’ils ne consomment jamais d’alcool : seulement 5,4% des sondés).

La consommation d’alcool pendant le confinement (en %)

B- Une consommation de tabac qui se transforme, et qui semble légèrement augmenter 

Si 26,3% des sondés indiquent que leur consommation a baissé, 27,8% confessent une augmentation au moins légère, tandis que 21,6% indiquent que leur consommation n’a pas changé. La consommation de tabac semble donc moins festive que celle de l’alcool. A noter que le nombre de non-consommateurs a augmenté ici : 23,8%. Il faut regarder les remarques additionnelles pour mieux comprendre ces statistiques : 

« Je ne fume pas dans l’appart, c’est plus social ou avec l’alcool » 

« + de cigarettes « d’ennui » » 

 « Je ne fumes pas plus de cigarettes en confinement, mais plus de joints (dans lesquels il y a du tabac) » 

« Fumeur occasionnel que je suis, je n’ai aucunement envie de fumer une clope, contrairement aux moments que je passe avec mes amis en temps normal » 

« L’ennui et le fait de rester à l’intérieur toute la journée me donnent beaucoup plus envie de fumer » 

« Je fume 2x plus de cigarettes si je ne suis pas actif » 

Ainsi, si les fumeurs occasionnels semblent moins fumer avec le confinement, grâce à l’arrêt des festivités, les fumeurs réguliers et intensifs ne semblent pas réussir à se défaire de leur addiction. Au contraire, l’inactivité et l’ennui semblent faire augmenter les prises. A noter aussi que de nombreuses personnes ont confessé ne consommer du tabac qu’avec du cannabis, ce qui pourrait expliquer le fait que pour de nombreuses personnes cette consommation ne change pas. 

La consommation de tabac pendant le confinement (en %)

C- Une consommation de cannabis qui augmente clairement

Il faut d’abord prendre en compte que le cannabis est la drogue la moins consommée de manière générale par les questionnés : 35,2% des interrogés ont déclaré ne jamais en consommer. En revanche, en se penchant sur les comportements des consommateurs, il semble que le fait d’être confiné renforce l’addiction au cannabis. Sur les 426 témoignages, un bon tiers fait état d’une augmentation au moins légère de sa consommation (34,2% des sondés). Près de 20% des personnes disent que leur consommation ne change pas, tandis que « seulement » 10% annoncent que leur consommation baisse au moins légèrement. A première vue, il apparaît assez clair que l’isolement favorise l’addiction au cannabis. Les commentaires permettent de mieux contextualiser cette observation :

 « De manière vicieuse, ça fait passer le temps mais ça rend inerte au final » 

 « Vaut mieux s’ennuyer fonceder qu’agen c’est plus divertissant et passe plus vite » 

« Le fait de ne pas avoir à prendre la voiture me permet de fumer plus souvent sans avoir peur de risque d’accident. » 

 « Sensation de pouvoir gérer en fumant et suivant les cours » 

« L’ennui est un facteur important dans l’augmentation de ma consommation » 

 « En rentrant du travail je n’ai pas de loisir ou d’activité, il est donc plus tentant de fumer plus de joint devant Netflix par exemple » 

Il apparaît clair que le fait d’être isolé, confiné et ennuyé renforce la consommation de cannabis. Parmi les trois drogues citées, le cannabis est celle semblant confirmer le plus la théorie du docteur Alexander. Cependant, il est intéressant de demander aux Français s’ils ont d’autres addictions qui auraient pu être affectées par le confinement. Nous ne prendrons ici que les exemples revenus le plus souvent, le but de cette étude n’étant pas d’analyser de façon exhaustive toutes les addictions.  

La consommation de drogues douces pendant le confinement (en %)

II – Une analyse complémentaire : d’autres comportements et de nouvelles addictions

A – Le numérique, le sexe et la nourriture en tête des autres comportements addictifs 

De nombreuses addictions supplémentaires ont été évoquées dans les réponses. Cependant, celles qui revenaient le plus souvent semblaient graviter autour des thèmes du numérique, du sexe et des troubles alimentaires, comme le rapportent les exemples ci-dessous : 

« Le temps passé sur écrans augmente considérablement (plus de 4h par jour). » 

« Obligé de faire attention pour ne pas finir « addict » aux écrans : entre les infos (dont la consultation peut devenir compulsive), les réseaux sociaux… c’est le problème de devoir rester des heures devant son ordinateur à travailler ou écouter des cours en ligne (où l’attention est très dure à soutenir)… j’ai été obligé de me reprendre en main et de me forcer à sortit marche » 

« toutes les pratiques addictives liées aux réseaux sociaux (tiktok, scrolling etc) concernent plus de la moitié de mes journées, alors que normalement c’est assez rare. Je ne peux plus lâcher mon téléphone, même pour dormir ou prendre une douche c’est difficile » 

« Addiction au Sucre, ma consommation à énormément augmenté pendant le confinement, aujourd’hui si je passe une journée sans vraiment manger de sucré je n’aurai aucune énergie ni motivation à faire quoi que se soit et je serai grave de mauvaise humeur. » 

« Troubles alimentaires revenus (boulimie) » 

« La nourriture : comme la drogue, je mange pour combler le manque. J’ai pris 5 kilos en un mois » 

« J’ai des compulsions alimentaires, c’est à dire que je grignote très souvent pour me « remplir », pour combler un sentiment de vide. Le confinement a tendance à les renforcer vu que ça peut émettre un climat anxiogène » 

« La consommation de cette crasse industrialo-machiste qu’est la pornographie a augmenté énormément » 

« le sex, on se sent seul donc on a encore plus besoin de sex » 

Sur les 133 réponses reçues, 48 font état d’une addiction aux écrans. Cela peut passer par l’ordinateur, le téléphone, la TV, et peut avoir pour objet les réseaux sociaux, les séries, le télétravail ou encore la pornographie. Cette dernière explication est à relier avec la mention de sexe, qui semble également faire partie des addictions mentionnées (13 commentaires). Il serait intéressant de savoir si, par “sexe”, les interrogés entendent seulement une pratique sexuelle avec un partenaire, ou si la masturbation entre dans cette case là ; auquel cas, le sexe pourrait arriver en tête des réponses pour cette question additionnelle, sans compter le fait que certaines personnes comptent déjà peut-être la pornographie dans la formulation « écrans ». Les nombreuses mentions aux habitudes alimentaires (26 mentions) permettent aussi de constater une dégradation des habitudes alimentaires (plus grande consommation de sucre, de café, de grignotage entre les repas, etc.).  

B- Les hommes plus consommateurs que les femmes ? Quelques pistes de réflexions  

Même si cette tendance tend à s’inverser récemment avec l’évolution des mœurs, il est généralement admis que les hommes consomment plus de drogues que les femmes (c’est d’ailleurs en partie pour cela que l’âge moyen de décès chez les hommes est moins élevé que chez les femmes). Le questionnaire semble confirmer cette tendance.


Concernant l’alcool d’abord, 29,8% des hommes ont vu leur consommation augmenter au moins légèrement, contre 20,8% pour les femmes. De plus, 60,4% des femmes ont vu leur consommation d’alcool baisser au moins légèrement, contre 52% chez les hommes. Au sujet du tabac, 30,8% des hommes déclarent avoir augmenté au moins légèrement leur consommation, contre 24,8% des femmes ; tandis que si « seulement » 19,2% des hommes ont diminué au moins légèrement leur consommation, c’est le cas chez 33% des femmes. A noter que la part des non-fumeurs est plus importante chez les femmes : 26,1% contre 19,7% chez les hommes. Enfin, pour ce qui est du cannabis, 37,8% des hommes ont vu leur consommation augmenter au moins légèrement, contre « seulement » 28,7% des femmes. La part de non-fumeurs de cannabis chez les femmes est aussi bien plus importante : 39,1% des femmes questionnées ne fument pas, là où ce pourcentage n’est que de 27,3% chez les hommes. Pour résumer, sur les trois types de drogues, les hommes consomment plus, voient leur consommation augmenter plus, et baisser moins durant le confinement. Expliquer et interpréter cette donnée ici n’est pas le but de l’enquête, mais la relever permet d’esquisser une piste de réflexion pour une enquête additionnelle. Un point de départ intéressant serait de déterminer dans quelle mesure la socialisation et la culture ont pu créer ou renforcer cette différence entre les sexes.

C- Pousser la comparaison : reproduire les conditions du Rat Park

A présent, afin de mieux vérifier l’hypothèse du docteur Alexander, nous allons nous intéresser aux personnes ayant passé le confinement seules, soit au summum de l’isolement. 70 personnes ont déclaré avoir passé le confinement seules. Parmi elles, 17 ont déclaré que leur consommation d’alcool augmentait au moins légèrement (soit près de 23,9%). Ce chiffre monte à 21 personnes si l’on compte les gens dont les habitudes en termes d’alcool sont restées les mêmes malgré l’arrêt des événements festifs. Par ailleurs, 24 personnes confinées seules ont déclaré que leur consommation de tabac augmentait au moins légèrement, soit 33,8% ; c’est supérieur aux 27,8% d’augmentation constatés plus tôt chez tous les consommateurs. Enfin, 28 personnes confinées seules ont déclaré voir leur consommation de cannabis augmenter au moins légèrement, soit 39,4% ; ce chiffre est supérieur aux 34,2% d’augmentation observés pour tous les consommateurs confondus. Si pour l’alcool, la proportion de consommation qui augmente reste relativement la même, les personnes confinées seules ont davantage tendance à voir leur consommation de tabac et de cannabis augmenter légèrement (près de 5% de différence). Si les données semblent indiquer que les « confinés seuls » voient leur consommation de cannabis et de tabac augmenter davantage, le peu de personnes concernées (moins de 70) et le peu d’augmentation constatée (environ 5%) ne permet pas d’avancer trop d’hypothèses sans mener plus d’études. Pour réellement vérifier l’hypothèse d’Alexander et en reproduire les conditions, il aurait fallu étudier la portion des questionnés confinés seuls et ne pratiquant aucune activité professionnelle. Cependant, la part de ces individus dans l’étude ne s’élève qu’à 10 personnes, et ne permet pas de tirer de réelles conclusions.


En conclusion, que retenir de ces résultats ? Il apparaît clair, à la lecture des statistiques, mais aussi des réponses au questionnaire, que les Français sont effectivement friands d’alcool, de tabac et de cannabis. Cependant, il convient de préciser que cette tendance est bien plus présente chez les plus jeunes ; comme le montrent les chiffres déjà disponibles sur le sujet. Pour ce qui est du confinement, on aurait tort de présupposer que l’arrêt des festivités a entraîné une baisse des addictions et des consommations de drogues chez les Français : mis à part l’alcool qui est la seule drogue dont la consommation ait baissé (et même pour cette dernière, les réponses prouvent que cette baisse n’est pas aussi significative qu’on pourrait le croire), la consommation de tabac et de cannabis a augmenté durant cette période d’isolement. Il est donc clair, comme le prouvait le docteur Alexander avec ses rongeurs, que les addictions humaines dépendent énormément de notre environnement et de nos interactions sociales. Toutefois, il convient de rappeler que le confinement n’a pas reproduit à l’identique l’environnement des Skinner Boxes : pour pousser la comparaison plus loin, il faudrait disposer de sujets humains complètements isolés de toutes interactions, dans des cellules ne permettant aucune activité récréative mise à part la prise de drogues. Néanmoins, on peut raisonnablement supposer qu’un tel isolement ne ferait que renforcer les tendances observées auprès des gens confinés seuls, puisque la catégorie « personnes confinées seules » semble indiquer une tendance légèrement plus forte à l’addiction. Au cours de cette étude, nous avons également pu confirmer que les hommes sont plus sujets aux addictions que les femmes ; pour expliquer pourquoi cela est le cas, il faudrait conduire une étude additionnelle combinant une analyse de la construction sociale du genre et du sexe ainsi que des recherches sur les différences entre les cerveaux masculins et féminins. Si l’étude présente ne permet pas d’expliquer les raisons de cette « dichotomie » des addictions entre l’homme et la femme, elle permet au moins de la constater. Par ailleurs, l’analyse des commentaires portant sur d’autres types d’addictions (en dehors de l’alcool, du tabac et du cannabis) a permis de découvrir une piste de nouvelles addictions également renforcées par le confinement : les addictions relatives au numérique, au sexe et à la nourriture. Parmi ces trois comportements, l’addiction au numérique semble revenir le plus, et il est clair que des sujets confinés et confrontés au télétravail, aux réseaux sociaux, aux vidéos pornographiques, et aux plateformes de streaming ont toutes les chances de voir leur temps passé sur les écrans augmenter de manière significative.

Il convient d’analyser ces données dans le contexte actuel de la détresse étudiante. Il y a fort à parier que les addictions des étudiants se sont renforcées depuis un an, malgré l’arrêt relatif des festivités. Au-delà d’un enjeu académique et économique, rouvrir les universités apparaît comme un enjeu de santé publique. Garder nos étudiants isolés revient à les enfermer dans leurs addictions.
Néanmoins, le tableau n’est pas « tout noir » non plus, et il convient de rappeler que plusieurs personnes se sont débarrassés de certaines addictions durant le confinement, qui a été l’élément déclencheur d’un phénomène qu’on pourrait qualifier de « prise de conscience ». Encore une fois, et cela sera notre dernier élément de conclusion, mieux vaut laisser la parole aux concernés :
« J’avais l’habitude de sortir tous les week end, vendredi et samedi soir avec tous mes amis. Prendre des substances et faire after jusqu’à l’après midi. Mes week end étaient rythmés par ma soirée le vendredi soir, mon after, mon commatage et rebelotte le samedi soir. Je passais mes journées au lit et vivait la nuit. Et puis il y a eu le confinement. J’ai commencé à prendre conscience du rythme de vie que j’avais. Je n’arrive plus à comprendre pourquoi je me droguais, pourquoi je faisais subir ça à mon corps. J’ai complètement perdu mon envie de sortir. Je suis plus motivée à faire des choses la journée. Le confinement m’a fait réalisé qu’il y a des choses que je faisais qui était devenue banale mais qui ne sont pas forcément normales… Et ça fait du bien de réaliser tout ça. » (Commentaire anonyme)

Les recommandations lecture

Les recommandations de Pierre Vitali

Les deux clans. La nouvelle fracture mondiale

Auteur : David GOODHART

Prix : 19,50€

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Ce livre expose en français son ouvrage original, longtemps numéro 1 des ventes en Angleterre : The road to somewhere : the populist revolt and the future of politics. Il présente la nouvelle fracture de la mondialisation entre ceux de partout, les Anywhere, et ceux de quelque part, les Somewhere

Selon Emmanuel TODD : “un livre capital : l’analyse politique la plus percutante pour comprendre ce qui se joue aujourd’hui”. 

La ruée vers l’Europe. La jeune Afrique en route pour le Vieux Continent

Auteur : Stephen SMITH

Prix : 20,90€

Nombre de pages :  395

Plusieurs fois primé, cet essai de géographie humaine est incontournable pour comprendre la pression migratoire à venir. Chiffré, sourcé et documenté, ce livre pose un constat, pense à l’avenir et dresse cinq hypothèses pour ouvrir le débat, en essayant de se détacher à la fois de l’égoïsme national et de l’angélisme humaniste. 

En 2018, La ruée vers l’Europe a été récompensé par le Prix Brienne du livre de Géopolitique, par le Prix littéraire de la Revue des Deux Mondes et par un Grand Prix de l’Académie française. 

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Les luttes des classes en France au XXIe siècle

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Prix : 22€

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Lorsqu’on évoque notre communauté nationale, les thèses de Christophe Guilluy ou celles de Jérôme Fourquet font figure d’autorité dans la description d’une société française fragmentée (la « France périphérique » ou « l’archipelisation de la société »). Avec son nouvel ouvrage, Todd propose une analyse opposée : il observe une population française plus uniforme que jamais, réunie par une inéluctable lutte des classes dont le soulèvement des Gilets jaunes fut le premier acte…

L’un des intérêts de cet ouvrage de Todd apparaît donc dans le parallèle que l’on peut dresser avec un grand succès sorti un an plus tôt : L’Archipel français de Fourquet. Le premier évoquant une homogénéisation et le second préférant parler d’une fracture.

Les leçons du pouvoir

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Prix : 8,40€

Nombre de pages: 504

Pour tout passionné de la vie politique française, se plonger dans le récit du quotidien d’un Président de la République apparaîtra toujours palpitant. Entre décisions difficiles, controverses sur les politiques menées, anecdotes à propos des relations internationales, regrets amers, François Hollande évalue avec sincérité le bilan de son mandat.

A savoir, cette édition de poche est complétée de trois nouveaux chapitres dans lesquels l’ancien chef d’Etat se projette sur l’avenir à partir de trois thèmes : la gauche, l’écologie et l’Union européenne. L’un des derniers grands tenants de la social-démocratie française cherche ici à proposer, et c’est tout à son honneur.

Les recommandations de Maxime Feyssac

Comment on a laissé l’islamisme pénétrer l’école

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Comment terminer cette année sans vous recommander l’excellent livre de J-P. Obin, tiré du rapport du même nom. Alliant réflexion théorique et observations de terrains, cet ouvrage d’un ancien inspecteur de l’Education Nationale vous permettra d’avoir un témoignage crédible et sérieux de la situation au sein de l’E.N.; non-partisan, Monsieur Obin se contente d’observer ce qu’il a vu au long de sa carrière, et son constat est glaçant. Petit plus: le livre est relativement court et se lit très bien en moins d’une semaine.

Le règne des entourages

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Prix : 45€

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Après vous avoir recommandé un ouvrage “tout public” et facile d’accès, je me permets de recommander cet excellent livre, indispensable pour toute personne s’intéressant sérieusement au fonctionnement de nos institutions. C’est long et c’est cher, mais ce recueil d’études, d’analyses et de témoignages n’en demeure pas moins le meilleur moyen pour comprendre le fonctionnement des cabinets ministériels, mais aussi des cabinets de conseils et des jeux d’influences au sein de l’administration française. Attention: après sa lecture vous risqueriez de sérieusement remettre en cause la nature “démocratique” du régime actuel.

Les recommandations d’Etienne Le Reun

L’Opium des Intellectuels

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Prix : 10, 20€

Nombre de pages :  334

Doit-on encore réellement présenter cette “Bible de l’anti-collectivisme » ? Au milieu d’une intelligentsia parisienne prise en otage dans les bras de la théorie marxiste, entourés de ceux qu’il s’amuse à appeler les « communistes et autres communisants”, Aron écrit ce livre, résolument résistant. Vous y trouverez l’un des développements les plus complets pour déconstruire brique par brique l’idéologie révolutionnaire et collectiviste. Une ode à l’humanité, à la liberté, au bon et à la démocratie. 

Pensées sur la politique

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Prix : 7€

Nombre de pages :  177

On connaît Pascal pour ses pensées, beaucoup moins pour son approche de la politique. Et pourtant, celle-ci se trouve être d’une extrême richesse et d’un pragmatisme surprenant. Mélange entre un Machiavel radical et un Nietzsche moderne, Pascal discute dans ce regroupement de fragments de thèmes aussi larges que la toute-puissance de la force en politique, la place de la haine ou encore l’acceptabilité du pouvoir et son incarnation dans l’élite. Pascal est à la fois anarchiste, car il critique l’autorité, la justice et l’ordre social, et en même temps le conservateur le plus absolu : un mélange explosif et terriblement prenant.

Les recommandations d’Emilien Pouchin

L’empire du moindre mal

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Prix : 8€

Nombre de pages :  205

Si vous êtes initié à la philosophie politique et à la théorie libérale, alors ce livre est fait pour vous. Michéa y dévoile que l’idée fondamentale des libéraux était d’évacuer les questions religieuses et morales de l’Etat, considérées comme responsables des guerres qui déchiraient les communautés humaines. La finalité du libéralisme n’est donc pas d’établir la meilleure société possible, puisque la définition de ce qui est « bon » inclut nécessairement une dimension morale, mais de construire la moins pire possible (d’où, l’Empire du moindre mal). Ainsi, il décrit comment la société libérale a établi le règne du Droit et de l’Economie, ainsi que l’idéologie de la Croissance et du Marché, pour tempérer et réguler de manière neutre les relations entre individus tournés vers leurs intérêts particuliers.

Psychologie des foules

Auteur : Gustave le Bon

Prix : 7,50€

Nombre de pages :  192

Écrit en 1895, à l’époque où les foules étaient considérées comme la principale menace pesant sur l’organisation sociale et politique, ce livre demeure frappant d’actualité. A travers sa vision des foules, décrites comme des êtres primitifs dépourvus d’esprit critique, on apprend qu’elles peuvent être aisément manipulées. Ainsi, Gustave le Bon s’est avéré clairvoyant sur les méthodes adoptées par les régimes totalitaires du XXè pour contrôler les peuples. Après avoir lu ce livre, on comprend également mieux la peur que les élites politiques ont du phénomène populiste et de la possible émergence d’un leader rassemblant le peuple. 

Les recommandations de Domitille Viel

La langue des médias

Auteur : Ingrid Riocreux

Prix : 9,59€

Nombre de pages :  336

Ingrid Riocreux se penche dans cet ouvrage sur un acteur omniprésent et pourtant trop peu observé : le journaliste. Si tous les citoyens se tiennent au courant de l’actualité, peu analysent ceux qui leur transmettent les informations : et si les journalistes qui se clamaient les plus neutres étaient les plus dangereux pour notre appréciation de la réalité ? Fausse neutralité, négligences, fautes de français à répétition : l’auteure offre un regard agacé sur “le Journaliste” à l’aide d’exemples concrets et récents. Un ouvrage aussi bon sur le fond que sur la forme, pour se prémunir des conséquences négatives du journalisme d’apparence la plus inoffensive.

La persuasion clandestine

Auteur : Vance Packard

Prix : 23.10 €

Nombre de pages :  244

Avec tout le recul que mérite cet ouvrage publié en 1957, sa lecture ne peut qu’être bénéfique pour répondre aux questions que l’on ne se pose pas assez. Vance Packard nous offre ici un aperçu de ce que les publicitaires ont compris de notre psychologie. Si ces manipulations peuvent paraître dangereuses et immorales lorsqu’elles sont mises entre les mains des commerciaux et politiques, leur analyse nous offre des clés pour mieux comprendre ce qui nous pousse à agir. Si nos déterminismes psychologiques et méandres subconscients nous sont obscurs et difficiles à accepter, ils sont habilement utilisés pour nous faire acheter, voire pour nous faire voter. Voici donc une fenêtre ouverte sur les différents outils de la communication de masse, pour mieux connaître et contrôler vos actes et pensées.

Les recommandations de Lucas Perriat

L’Homme Nu: la dictature invisible du numérique

Auteurs : Marc Dugain et Christophe Labbé

Prix : 17,90€

Nombre de pages :  320

Dans cet ouvrage, c’est de la réussite machiavélique d’une industrie qui a pris définitivement le contrôle de la Terre, sans contraintes ni violence apparente, qu’on on peint le portrait. Les deux auteurs dénoncent la dominance des Big Data, alliés aux services de renseignements, qui émergent en une puissance réformatrice de l’Humanité remettant en cause les fondements démocratiques de nos sociétés occidentales. L’objectif est de pointer du doigt une dictature imminente et sans précédent à défaut de s’attarder sur les aspects positifs du numérique.

Les Manipulations de l’information : un défi pour nos démocraties

Auteurs : J.-B. Jeangène Vilmer, A. Escorcia, M. Guillaume, J. Herrera

Prix : 9 €ou format pdf en téléchargement gratuit sur diplomatie.gouv.fr

Nombre de pages :  210

Rapport du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM) du ministère des Armées

L’objet de cet ouvrage est l’étude des manipulations de l’information d’origine étatique visant à fragiliser ou à déstabiliser le débat démocratique dans d’autres États. Le rapport a 4 visées distinctes : analyser les causes et acteurs des manipulations de l’information, leurs procédés, les contre-mesures adoptées puis les défis futurs que présente ce phénomène.   Ce rapport a été produit en indépendance totale et, de ce fait, ne relève pas d’une position officielle du gouvernement français.